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« Commandant, avez-vous des nouvelles ? Dites-moi ce que vous savez, je ne tiens
               plus ! »



               « Émilie, je  ne sais  plus quoi faire » lui rétorqua le boss. « J’ai appelé le Quai
               d’Orsay, ils n’arrivent pas  à joindre notre  ambassadeur  en Micronésie, le « Saint

               Médor » ne répond pas aux mails, et il semble qu’aucun navire marchand ne soit sur
               zone. Quant à la Marine Nationale, son bâtiment le plus proche est à cinq jours de

               mer… »


               Pour Émilie, c’était comme si le monde s’écroulait sous ses pieds. Elle se revoyait

               sur le quai, lors de l’appareillage du « Saint Médor », il y a deux mois, serrant un à

               un ses collègues dans ses bras, leur souhaitant une mission enchanteresse dans ce
               paradis du Pacifique, et regrettant secrètement  de ne pas être du voyage. Et

               aujourd’hui qu’était-il  advenu de tout ça ? Où étaient-ils ? Étaient-ils vivants ? Le
               navire avait-il réussi à se tirer d’affaire ? Autant de questions restées sans réponse.



               Elle redescendit dans son bureau, sonnée comme si elle avait reçu un uppercut, ne
               sachant pas à quoi se raccrocher. Elle prit sa tête dans ses mains, s’effondra sur son

               clavier d’ordinateur et fondit en sanglots. Alors que ses pensées vagabondaient, la
               maintenant dans un état second, elle sentit son téléphone vibrer. Une petite étincelle

               d’espoir apparut aussitôt dans  ses  yeux.  C’était  Tom,  son amoureux. Sans-doute
               allait-il la réconforter, et elle savait au moins que ce soir, elle ne serait pas seule pour

               affronter cette angoisse, et qu’elle pourrait se blottir dans ses bras. « Allo Émilie,

               c’est Tom. Je suis bloqué à Singapour à cause d’une panne sur un réacteur. Je ne
               sais pas quand je vais pouvoir rentrer, mais certainement pas avant mardi  ou

               mercredi ». Cette fois totalement anéantie, Émilie eut à peine la force de partager sa

               détresse avec Tom et elle se borna à lui dire combien elle était inquiète pour ses
               pairs, et qu’elle l’attendrait le temps qu’il faudrait… Putain de vendredi 13, s’exclama-

               t-elle ! J’avais bien raison de m’en méfier.


               Toute l’équipe du service était réunie dans la salle de pose, autour de la machine à

               café, quand Émilie fit son entrée. Rongés  par l’inquiétude, chacun y allait de son
               commentaire, de son anecdote, échafaudant les hypothèses les plus extravagantes

               sur ce qu’il était advenu du « Saint Médor » et de son équipage. Certains pleuraient,
               ou essayaient  de se raccrocher à toutes les choses rationnelles  que l’on invoque




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