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N° 6                                    Le jour le plus long.



               Il pleuvait ce jour là lorsqu’elle s’est levée. « Ah ! au fait quel jour sommes-nous ? »
               se dit-elle.  « Vendredi 13  ?! Zut !  » Elle n’aimait pas les vendredis 13 qui lui

               réservaient toujours des surprises.


               Pourtant, elle était  plutôt de joyeuse humeur. Son idylle  avec un pilote de ligne,

               rencontré quelques mois plus tôt lors d’un voyage à Tahiti, était au beau fixe. Son
               métier de chercheuse à l’IFREMAR la passionnait, et elle se voyait promettre une

               mission  exaltante.  Et la perspective de retrouver son chéri pour le week-end la
               mettait en joie… Après tout, je n’ai aucune raison d’être superstitieuse se dit-elle en

               séchant sa longue chevelure, sitôt sortie de la douche. Une tasse de thé rapidement
               avalée, elle monta dans sa vieille Coccinelle pour rejoindre son bureau, sur la route

               de Sainte-Anne du Portzic. Le bruit des essuie-glaces couvrait le son de l’autoradio,

               et entre un morceau des Bee Gees et une chanson de Charles Trénet, c’est à peine
               si elle prêta attention au flash d’informations de Radio Triton.



               En poussant la porte du laboratoire, elle eut toutefois comme le pressentiment que
               quelque chose d’anormal se passait. As-tu entendu  les nouvelles ? lui dit aussitôt

               Georges, son complice au  travail, alors même qu’elle n’avait pas encore ôté son
               manteau. Non, répondit Émilie, pensive. Et bien, dit Georges, « une grave éruption

               volcanique vient d’avoir lieu sur l’île de  Pikelot, là  même  où notre  navire de

               recherche « Le Saint Médor » était au mouillage. On ne sait pas encore si certains
               membres  d’équipage  se trouvaient à terre, mais l’île  a sombré et a totalement

               disparu. C’est un phénomène qui s’est déjà produit dans l’archipel des îles Caroline,
               où les effets du changement climatique se font particulièrement sentir. Pour l’instant,

               l’État-Major n’est pas parvenu à entrer en contact avec le Commandant du navire, et
               nous sommes sans nouvelles de nos collègues ». Émilie est aussitôt parcourue d’un

               frisson. Et si le bateau avait été à son tour emporté par un tsunami provoqué par

               l’éruption ? Non se dit-elle, je ne veux pas y croire, je vais monter voir le Directeur, à
               l’État-Major.



               Le Capitaine de Frégate Edgar Hansen était assis dans son  grand  bureau vitré,
               gesticulant dans  tous les sens, et  apparemment de  fort méchante humeur. Elle

               passa néanmoins la  tête par la  porte entr’ouverte  et l’apostropha tout  de go :



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