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traces : son dos était le témoin qu’elle avait été traînée comme un vulgaire sac de pommes de terre.

            Elle finit par retrouver le promontoire où elles avaient pique-niqué, restait à refaire le chemin en sens
            inverse… Elle trouva un sentier de sable qui ressemblait à celui qu’elles avaient emprunté la veille, où

            elle parvint à marcher sans se blesser. Elle se raccrocha à l’espoir que cette voie, même non balisée, la
            conduirait vers un lieu plus fréquenté. À plusieurs reprises, elle entendit des bruits de conversation,

            aperçut un VTT qui filait à vive allure, mais ne réussit pas à intercepter les promeneurs. Le soleil était

            déjà haut lorsqu’elle croisa un couple de randonneurs âgés, surpris par cette rencontre peu banale. Elle
            leur raconta en ravalant ses larmes sa mésaventure et se vit offrir à manger et à boire, ainsi que quelques

            vêtements pour se couvrir. Ils la prirent en charge et la raccompagnèrent d’abord au parking, puis en
            voiture, jusqu’au poste de police de Fontainebleau. Ils laissèrent à Camille leur carte de visite au cas

            où elle aurait besoin de leur témoignage, en lui faisant promettre de donner de ses nouvelles.

            Camille fit à nouveau le récit de sa terrible nuit à l’agent qui était de faction ; il enregistra sa plainte.

            Deux policiers furent chargés de la raccompagner jusqu’à la maison de Lilia. Au premier coup de

            sonnette, celle-ci vint ouvrir et, contre toute attente, se jeta dans les bras de son amie, feignant le plus
            grand des soulagements. Elle appela Pauline et Jade, qui arrivèrent immédiatement et se réjouirent,

            elles aussi, à grand renfort de larmes et de rires. Les policiers regardaient la scène, interloqués, puis ils
            observèrent Camille - qui ne participait pas à la liesse de ces retrouvailles - d’un air soupçonneux. Ils

            demandèrent à entrer pour interroger Pauline, Jade et Lilia. Cette dernière les fit asseoir et commença
            à raconter sa version des faits. Jusqu’à l’heure du pique-nique de la veille, tout concordait, mais la

            suite était bien différente.

            « Après le repas, lorsque nous nous sommes remises en marche, Camille a commencé à montrer des

            signes d’énervement : elle faisait quelques pas, revenait, repartait, toujours en criant. Nous sommes

            habituées à ses crises depuis toutes ces années. Pauline a tenté de la raisonner et de la calmer, rien n’y
            a fait. Tout à coup, elle a dévalé la pente à travers bois, s’accrochant aux branches, tombant et se

            relevant, comme possédée. Jade, qui est la plus sportive de nous trois s’est élancée sur ses traces, mais
            l’a vite perdue de vue. Nous l’avons appelée pendant des heures, en suivant la direction qu’elle avait

            prise, n’osant pas nous écarter des chemins balisés, de peur de nous perdre. Nous avons questionné
            tous les promeneurs croisés en chemin, espérant que quelqu’un l’avait vue : peine perdue. En fin de

            journée, nous nous sommes résolues à regagner la voiture. Nous avons voulu signaler sa disparition,

            mais, au commissariat, on nous a répondu qu’il fallait attendre vingt-quatre heures révolues pour faire
            une déclaration. Nous sommes rentrées et nous avons veillé toute la nuit, espérant toujours un appel

            de Camille. »




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