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elles se mirent en route pour rejoindre le parking qui serait le point de départ de leur marche. Lilia
avait prévu une boucle de quinze kilomètres, passant par quelques-uns des belvédères et des chaos
rocheux qui font la réputation de la forêt de Fontainebleau. Le circuit était peu fréquenté, elles ne
croisèrent que quelques marcheurs au cours de la matinée.
Vers 12 h 30, la faim se faisant sentir, les jambes commencèrent à fatiguer. Elles trouvèrent un pro-
montoire parfait pour une pause pique-nique : mi-soleil, mi-ombre, avec en son centre, une grande
pierre plate qui leur permit de s’installer. Le repas fut enjoué, entrecoupé de rires et d’anecdotes crous-
tillantes des unes et des autres. Camille s’éloigna du groupe pour satisfaire un besoin naturel et trouva
à son retour ses trois amies en plein conciliabule. Elles cessèrent dès qu’elles l’aperçurent et toutes les
quatre finirent leur repas en partageant des biscuits et un café. Subitement, Camille ressentit une grande
fatigue, elle mit cela sur le compte de sa mauvaise nuit. Elle s’allongea pour une sieste en demandant
à ses amies de la réveiller trente minutes plus tard.
Il faisait nuit noire lorsqu’elle ouvrit les yeux, seule, frigorifiée et engourdie, couchée à même le sol,
sous ce qui s’avéra être un énorme rocher. Autour d’elle, de grands arbres empêchaient la faible lu-
mière nocturne de parvenir jusqu’à elle de lui parvenir. Un mal de crâne lui vrillait la tête à chaque
mouvement ; elle réussit à s’asseoir péniblement et constata qu’elle ne portait plus sur elle que ses
sous-vêtements. Envolés son sac à dos, ses chaussures de randonnée, sa montre, sa gourde et son pré-
cieux téléphone portable. Elle mit du temps à réaliser l’impensable : ses amies - ses amies de quinze
ans - l’avaient droguée, déshabillée et abandonnée au beau milieu de la forêt. Elle repensa aux mysté-
rieux apartés et d’autres souvenirs l’assaillirent, auxquels elle n’avait prêté que peu d’attention la
veille : des regards fuyants, des remarques désobligeantes... Elles avaient bien caché leur jeu ! Elle
tenta de se mettre debout, mais retomba aussitôt à terre ; que lui avaient-elles donc fait ingurgiter ?
Elle avait la tête prise dans un étau et le bas du dos contusionné. Elle refit une tentative, en se tenant à
la roche, cette fois. Il fallait qu’elle sache où elle se trouvait. En titubant et s’agrippant aux arbres, elle
réussit à faire quelques pas, trébuchant sur des racines ou des branches coupées, s’entaillant les pieds
sur des cailloux pointus. Elle renonça à poursuivre, retourna au rocher, s’assit et se rendormit. Elle fut
réveillée plusieurs fois par le froid ou par des bruits inquiétants, mais tenta de se raisonner : cette forêt
ne renfermait pas de bêtes sauvages, tout au plus risquait-elle de tomber sur un sanglier.
V - Forêt de Fontainebleau, la veille
Dès que le jour pointa, Camille fit le bilan de sa situation : elle avait les pieds en sang, les maux de
tête s’étaient un peu calmés, mais son dos la faisait souffrir ; elle avait faim et froid. Elle n’avait pas
d’autre choix que de se mettre en marche, en tentant de retrouver son chemin. Il devait y avoir des
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