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Trois jours de vacances, après un début d’année difficile, allaient lui faire le plus grand bien. En jan-

            vier, le poste d’associée qu’elle convoitait depuis un an, lui était passé sous le nez. Son éternel rival,
            Archie, avait raflé la mise. Cet homme, anglais jusqu’au bout des ongles, connaissant tous les codes

            de la maison - même s’il n’avait guère fait d’étincelles depuis son arrivée - avait su manœuvrer fine-
            ment pour s’attirer les faveurs du patron. La jolie avocate rousse n’avait rien vu venir, les préjugés

            avaient fait leur effet : trop femme, trop française, dans ce prestigieux cabinet d’avocats londonien.

            Deux mois plus tard, son père lui avait annoncé qu’il souffrait d’un cancer. Les médecins lui donnaient

            trois mois, mais, très affaibli, il n’avait pas tenu quatre semaines. Elle l’avait accompagné jusqu’au
            bout, prenant l’Eurostar chaque week-end pour lui rendre visite dans sa chambre d’hôpital.


            Enfin, il y avait eu ce qu’elle appelait « la grande désillusion ». Une semaine après les obsèques de
            son père, Alex l’avait quittée sans autre explication que : « Nous deux, ce n’est pas possible. » Ils

            s’étaient rencontrés six mois auparavant, lors d’une soirée organisée par le cabinet d’avocats, les prin-

            cipaux clients y étaient conviés. Le coup de foudre avait été immédiat et réciproque, elle était tombée
            sous le charme de cet homme, grand, brun, charmant et… si secret. Il vivait en France, mais passait

            plusieurs jours par semaine à Londres ; il était passé assez naturellement de sa chambre d’hôtel à l’ap-
            partement de Camille. Ils avaient beaucoup d’affinités, écoutaient la même musique, aimaient les

            mêmes films… Elle ne savait rien ou presque de sa vie en France et s’interdisait de poser des questions.
            Le sujet viendrait sur la table tôt ou tard, elle faisait confiance. Trop confiance, comme d’habitude.


            Camille avait failli annuler sa participation au week-end de retrouvailles, ne voulant pas imposer à ses
            amies sa triste mine et son moral en berne. Mais lorsqu’elle avait annoncé à Lilia qu’elle ne se sentait

            pas la force de venir, celle-ci lui avait rappelé le serment. Seul un cas de force majeure pouvait les

            empêcher de se retrouver. Ce n’en était pas un. Bien lui en avait pris finalement, car la préparation du
            week-end l’avait sortie de sa morosité. Elle s’était même surprise à fredonner en préparant sa valise.


            II - Londres, quatre jours auparavant

            Camille avait réservé une place dans l’Eurostar de dix-neuf heures et une nuit d’hôtel à Paris ; elle ne

            rejoindrait ses amies qu’à dix heures le lendemain. Elle dut courir pour ne pas rater son train. Essouf-
            flée, elle s’était précipitée vers son wagon et avait juste eu le temps de sauter à l’intérieur avant que

            les portes se ferment et que le train démarre. Après avoir déposé sa valise sur les porte-bagages, elle
            s’était approchée de sa place. Un homme qui lui semblait familier était installé sur le siège voisin du

            sien. Camille frémit en reconnaissant Alex. Son cœur faisait des bonds dans sa poitrine pendant qu’elle
            évaluait les deux solutions qui s’offraient à elle : affronter celui qui l’avait quittée sans explications ou





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