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Transplanté en France sur les coteaux d’Ancenis, à peine fruité affirma t-
            elle. Virginie le goûtant dit qu’il convenait parfaitement .
                   La deuxième bouteille succédant à la première, les joues rosirent, le ton
            monta. A leur demande un digestif fut servi et puis un autre. On trinqua à
            nouveau.
                   Une légère brise de mer les accompagna sur le chemin du retour. Sur
            la terrasse éclairée par les étoiles, les conversations reprirent et le cognac
            coula généreusement, Virginie avait un peu de mal à suivre, peu habituée à
            des soirées arrosées.
                   Longuement Julie évoqua son mariage plus que raté,                     les violences et
            coups endurés pendant des années, la difficulté à quitter ce salaud car il était
            jaloux, sa peur de représailles s’il la retrouvait un jour. Prise de logorrhée
            entre deux hoquets elle me prit à témoin, racontant sa vie sombre et sans
            espoir rythmée des départs et des retours de cet homme, qui en plus la
            trompait sans scrupule, partant plusieurs jours sans la prévenir. Un flot de
            larmes coula sur ses joues.
                   Je ressentais sa frayeur et me voulant rassurante, je dis bêtement :
            « maintenant il ne te retrouvera pas , tu es à des kilomètres, tu ne crains plus
            rien». Antoinette bouche bée l’écoutait, sans doute pour la énième fois. Elle
            prit la parole pour parler de cet individu méprisable, ses mots tranchants me
            surprirent,    elle se fit menaçante.          Tant de haine m’étonna. Prenant Julie
            tendrement par l’épaule, elle essuya son visage ruisselant, murmurant « tu
            n’as plus rien à craindre, je suis là, près de toi. Je m’en occupe... »
                   A deux heures du matin, je les embrassai avant d’aller me coucher. Je
            dormis mal. Me levai boire de l’eau. Dans la maison régnait un calme absolu.
            J’avais des nausées si peu habituée aux libations. Me levant à nouveau, je
            crus distinguer un bruit de chaise traînée lourdement, cela provenait du sous-
            sol. mais je n’en fus pas certaine vu mon état. Je parvins à dormir.
                   Le matin je furetai dans l’arrière-cuisine avant le lever de mes hôtesses.
            Je fus surprise de voir une assiette contenant des arêtes de poisson, des
            déchets de langoustines. Quelqu’un avait-il dîné avant d’aller au restaurant ?
                   Un désordre surprenant régnait dans la pièce. De nombreux rouleaux
            d’adhésifs, ainsi que des cordages pour les bateaux traînaient en                          vrac,
            auprès      de    boîtes de médicaments entamées, je vis qu’il s’agissait de
            calmants. Le rasoir et la mousse à raser gisaient à côté de la vaisselle sale.
            Je fus étonnée de savoir la maison si bien tenue contrairement à ce lieu.
                   Le vendredi, quand je les quittai, elles me firent promettre de revenir
            les voir     après la saison.        Le bateau me ramena à Lorient, une courte
            traversée dont je profitai.
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