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Une troisième saison d’été se profilait. Vint le moment des confidences.
Antoinette et Julie étaient libres. Les hommes ? bof ! Toutes deux avaient été
mariées. D’un air désabusé, elles affirmèrent que rien ne tient, tout n’est
qu’illusion. Garder un homme ? une sacrée entreprise ! Des enfants ?
Antoinette proche de la quarantaine en aurait bien désiré, encore fallait-il
trouver un père à la mesure de ses ambitions, c’était trop compliqué. Libérées
de l’emprise masculine, elle comprirent qu’elles s’aimaient depuis leur
jeunesse et voulaient vivre cet amour jamais affirmé.
Virginie ne leur donna pas la raison de son séjour à Groix disant qu’elle
y cherchait l’inspiration, souhaitait être seule, y trouver le calme.
Le lendemain, flânant dans les ruelles, les maisons serrées, aux volets
à peine entrebâillés ne dévoilèrent rien de ce qui se passait à l’intérieur.
L’’ambiance sans surprise lui procura une impression de vie arrêtée à laquelle
elle n’était pas habituée. C’est à peine si elle perçut le son d’une radio, le
miaulement d’un chat. Croisant une vieille femme qui descendait vers le port
elle lui emboîta le pas. Son besoin de noter toujours présent à l’esprit, elle prit
son carnet. Un bateau rentrait au port, elle comprit qu’il venait y vendre sa
pêche. S’asseyant sur un banc, elle distingua quelques clients parmi lesquels
elle reconnut Antoinette et vit le pêcheur déposer dans son panier un gros
poisson et des langoustines. Tiens ce soir nous allons pourtant au restaurant
pensa-t-elle.
Virginie alla s’ acheter un casse-croûte, espérant que la solitude d’un
frugal déjeuner face à l’océan l’entraînerait dans des pensées constructives.
L’épicerie allait fermer. Julie qui payait une mousse à raser et des lames de
rasoir paraissait presque gênée de la voir arriver. La jeune femme très
pressée bafouilla juste quelques mots d’excuse et disparut.
Installée sur les rochers Virginie contemplait l’immensité de la mer,
des mouettes avides tournoyaient, elle leur lança quelques miettes. Leurs
cris se perdaient dans le bruit des vagues, pur moment de bonheur qu’elle
savourait en ce tout début de printemps.
Il était vingt heures lorsqu’elles se rendirent à la Figanière, restaurant
où Virginie avait réservé une table pour trois. Ses nouvelles amies avaient
troqué leur tenue décontractée contre jupe et robe, Virginie se gardant bien
d’aucune remarque les découvraient transformées par un soupçon de
maquillage soulignant leurs yeux.
Le serveur habitué interrogea : « un Malvoisie pour l’apéro ? » Julie, qui
était allée en Grèce avait découvert dans le Péloponnèse, ce succulent vin
blanc cultivé depuis l’Antiquité.
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