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d’adoption fût acceptée. Nous avions fêté cela avec nombre de nos amis. J’étais heureuse et je pensais

            avoir surmonté mes réticences à la maternité. Pourtant, lorsque l’association que nous avions choisie
            nous mit en relation avec un orphelinat et que l’on regarda les photos et la vidéo d’un petit garçon de

            dix-huit mois, visage souriant et grands yeux interrogateurs, je bloquais. Encore une fois, incapable de

            me décider.
            Dire non, c’était risquer de perdre Simon et son amour. Dire oui, c’était risquer de m’attacher à cet

            enfant,  de  l’aimer  si  fort  qu’un  jour,  s’il  m’arrivait  de  le  perdre,  je  ne  pourrais  en  supporter  la

            douleur…
            J’invoquais une mystérieuse envie de faire une petite pause dans notre relation, lui fit des excuses aussi

            banales que malhonnêtes et je m’en allais. Depuis fin septembre, j’occupais le studio qu’une collègue
            louait à un étudiant, parti six mois à l’étranger. C’est toujours ça de pris, me disais-je. Tous les deux

            ou trois jours, Simon m’envoyait un SMS me demandant quand j’allais revenir. Mais une fois encore,
            je n’arrivais pas à me décider. Honteusement et souvent en pleurant, je passais prendre des affaires à la

            maison pendant qu’il était au travail. De fait, je l’avais exclu de mes vacances et de mon réveillon du

            Nouvel an.

            Après trois ans d’interruption pour cause de Covid 19, j’avais hâte de retrouver mes amies en cette fin

                                                                               er
            d’année 2022. Comme nous nous l’étions promis dans la nuit du  1  janvier 2000, c’était devenu un
            rituel que nous avions toujours respecté.


            En cette matinée du 30 décembre 2022, j’avais pris le train pour venir à Lorient. En effet, j’avais laissé
            notre voiture à Simon, il en avait besoin pour aller à son travail. Moi non, car je pouvais aller à mon

            collège en bus. Laure vint me chercher avec ses deux enfants et fût étonnée de me voir arriver seule,

            mais pour ne pas mêler ses enfants à une discussion potentiellement délicate, elle n’insista pas sur ce
            sujet.


            Elle vivait avec Erwan à Guidel. Ils avaient repris l’exploitation agricole de ses beaux-parents, faisaient
            du maraîchage bio, produisaient du cidre et du jus de pommes de leurs vergers, élevaient deux ânes et

            avaient transformé une ancienne grange en gîte pour recevoir leur famille et leurs amis. C’est justement

            là  que  je  retrouvais  Lucie,  biologiste  à  la  Station  marine  de  Concarneau,  spécialiste  des  algues  du
            littoral, son mari Samuel, prof d’anglais et leurs trois enfants. Claire arriva un peu plus tard que moi,

            accompagnée de Quentin et leurs deux enfants. Ils vivaient à Brest et étaient soigneurs à Océanopolis.

            A son arrivée, elle me posa la même question que les autres :

            -Mais où est Simon ? Pourquoi il n’est pas là ?

            Et devant mon air embarrassé, elle ajouta :
            -Ne me dis pas que tu l’as largué lui aussi ? Ce n’est pas possible ! Il cochait toutes les cases, ton mec !

            Mais qu’est-ce qui ne va pas chez toi ?

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