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détails sa rupture avec le dernier copain en date, Jeanne avait longuement détaillé les préparatifs
de son mariage fixé au 17 août, Natacha avait évoqué son désarroi dans ses études, la
réorientation qu’elle envisageait, Marion avait parlé de ses derniers résultats sportifs.
Dévorée par les mauvaises ondes, elle n’oubliait aucune remarque désagréable.
“Dis donc, Mathilde, tu m’épates, t’es maigre mais tu marches mieux que nous toutes, pardon
Marion, je corrige, aussi bien que notre sportive de haut niveau. Sont où tes muscles ?”, avait
déclaré Anne à la fin de la journée passée à Etretat. Ce sur quoi Natacha avait surenchéri, “C’est
vrai ça, on dirait que t’as encore perdu depuis la dernière fois. T’étais mince au lycée, mais là !
Je sais ! Tu fais mannequin et tu nous l’as pas dit. Encore une cachotterie.” Paroles assassines
pour qui est extrêmement sensible aux commentaires sur son physique. Et cette question d’Anne
– encore elle –, perdant tout sens commun, le dernier soir, “Au fait Mathilde, tu viendras au
mariage de Jeanne avec une cavalière ou un cavalier ?” C’était après la journée au parc
d’attractions du Bocasse. Personne n’avait ri, mais Mathilde était néanmoins passée brutalement
de l’euphorie à la désolation.
Elle avait été euphorique. Etait redevenue une enfant dans les manèges, pétillante et drôle, se
laissant aller à l’excitation.
Elle ne se souvenait pas d’avoir été euphorique.
Durant ces trois jours, retrouvant, comme par magie, le talent extraordinaire de son adolescence
de s’échapper de son mal-être pour placer son énergie dans l’action, elle avait réussi, par
moments, à mettre à distance les pensées négatives et prendre même un peu de plaisir. Avec les
jeux de société, l’activité rituelle de leurs retrouvailles. Avec la randonnée à Etretat, une belle
parenthèse – temps lumineux, dépense physique et photographie, le parfait cocktail pour libérer
les tensions résistantes – durant laquelle elle avait bavardé un peu, entre deux photos, de tout et
de rien.
Elle ne se souvenait pas. L’esprit submergé par la rumination avait éjecté les ondes positives.
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