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Mes amies me conseillèrent  d’aller au planning  familial,  au moins  pour en parler. Je  crois qu’elles

            étaient aussi désemparées que moi. Plusieurs fois j’ai tenté de prendre rendez-vous, mais je bloquais, je
            n’y arrivais pas. Cette vie en moi, c’était aussi, à moitié, celle de Nicolas. Le père était mort, comment

            pouvais-je décider de faire disparaître l’enfant aussi ?

            Mais  en  même  temps,  je  n’en  voulais  pas.  Je  n’étais  pas  prête  à  raconter  les  circonstances  de  sa
            conception, je n’étais pas prête à assumer une grossesse et je n’étais pas prête à élever un enfant toute

            seule. Seule, c’est le mot, seule devant le choix qui s’offrait à moi.

            Finalement, ce fut l’enfant qui choisit et il décida de me quitter avant même de m’avoir connue. Un

            vendredi soir, je fus prise de violents maux de ventre et dans la nuit, je perdis mon bébé, dans un flot

            de sang. Je suis restée couchée durant tout le week-end. Le samedi soir, j’ai commencé avoir de la
            fièvre. Beaucoup de fièvre. Mes amies me suppliaient d’aller voir un médecin. J’ai pris du Doliprane et

            j’ai  dormi.  Dormi  pour  me  reposer  et  pour  oublier.  Le  lundi,  je  pouvais  à  peine  tenir  debout.  Un
            médecin passa et diagnostiqua une infection utérine.

            Deux  semaines  plus  tard,  j’avais  rendez-vous  chez  une  gynécologue  qui  m’annonça  que  l’infection

            avait détérioré mes ovaires et qu’il me serait probablement très difficile d’avoir un autre enfant. Ma vie
            s’écroula une nouvelle fois, à trois jours de mon vingt-et-unième anniversaire…


            J’ai survécu, j’ai fini mes études et j’ai travaillé. Je suis devenue prof de SVT, Sciences et Vie de la
            Terre dans un collège. Fidèle à mes engagements pour l’environnement, j’avais la conviction que pour

            respecter la nature, il fallait d’abord la connaître. Je me suis donc attachée à transmettre, à travers mes
            cours,  toute  la  beauté  et  la  diversité  de  la  vie  sur  notre  Terre  ainsi  que  l’urgente  nécessité  de  la

            préserver.  C’était  mon  combat.  J’avais  fait  mienne  cette  déclaration  de  Nelson  MANDELA :

            « L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde ».

            J’ai  survécu  et  j’ai  aimé.  Julien,  Romain,  Mehdi,  Yann,  Pablo  et  Simon  ont  tous  partagé  ma  vie

            pendant quelques mois ou quelques années. Certains voulaient devenir pères, d’autres  non. Quant à
            moi, plusieurs fausses-couches successives  finirent  par me décourager  d’être mère. Avec Simon, le

            dernier de mes amoureux, j’ai vécu presque cinq ans et je m’étais faite à une vie tranquille à deux.

            Simon  était  l’homme  que  j’attendais  depuis  longtemps :  attentionné,  patient,  intelligent  et  plein
            d’humour.  La  quarantaine  approchant  pour  nous  deux,  la  question  d’avoir  un  enfant  le  tarabustait.

            Pourtant connaissant mon passé, il n’en parlait pas souvent, évitant un sujet qui pourrait fâcher. Un
            autre projet commun nous accapara quelque temps: l’achat et la remise en état d’une petite maison de

            ville avec jardin.


            C’est à la suite d’un week-end passé chez l’un de ses collègues qui venait d’adopter un enfant que nous
            avons  commencé  à  parler  de  cette  possibilité.  Il  était  si  enthousiaste  et  ses  arguments  étaient  si

            convaincants  que  j’acceptais  de  le  suivre  dans  ce  nouveau  projet.  En  juin  2022,  notre  demande

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