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N° 39 Le secret
Elle attendait sur le quai. Elle repensait aux derniers jours passés avec celles qu’elle avait considérées
comme ses amies. Un malaise persistait en elle. Ses pensées furent interrompues par l’arrivée du train.
La porte s’ouvrit, elle mit un pied sur la première marche, leva la tête et s’arrêta brusquement.
« Nicolas ! pensa Sofia. Ou tout au moins son sosie. Ce n’est pas possible ! »
Elle était pétrifiée, incapable de faire un geste, son cœur battant à cent à l’heure et son cerveau se
liquéfiant. Pourtant, il lui fallut réagir, continuer à monter dans le wagon, poussée par les autres
passagers qui commençaient à râler derrière elle. Elle déposa sa valise dans l’espace prévu à cet effet,
gagna sa place en s’excusant à deux reprises de déranger d’autres passagers qui s’installaient, retira son
manteau et s’assit. Tous ces gestes, elle les avait accomplis mécaniquement, l’esprit ailleurs, envahi par
des souvenirs qui remontaient par flashs dans sa mémoire.
Enfin, une fois installée, elle pût le regarder à nouveau. Il était debout dans l’entrée du wagon et vapotait
près de la porte encore ouverte. Elle voyait son profil au nez légèrement busqué, ses cheveux brun
foncé, presque noirs, son corps élancé et musclé. A un moment, il tourna les yeux vers elle ou plus
exactement vers l’intérieur du wagon, elle détourna aussitôt les siens.
« Nicolas…pensa-t-elle à nouveau. De quelle couleur étaient ses yeux, déjà ? Verts, me semble-t-il.
Mais non, ce ne peut pas être Nicolas ! Il a disparu. Depuis 23 ans exactement. Et pourtant, cette
ressemblance si évidente, si troublante, d’où vient-elle ? Ce jeune garçon a entre 20 et 25 ans, l’âge où
j’ai connu MON Nicolas. »
Le jeune homme était rentré dans le compartiment et s’était assis non loin d’elle, elle pouvait
l’apercevoir en se penchant un peu. Sofia songea qu’elle était folle, que cette vision était irréelle, et
pourtant là, tout près, le portrait craché de Nicolas. Le TGV Lorient/Rennes se remit en marche et sa
mémoire aussi…
Décembre 1999, comment ne pas se souvenir de ce mois terrible qui apporta en France deux grandes
catastrophes, l’une écologique et l’autre climatique?
Le 12 décembre : le naufrage de l’Erika et les 20 000 tonnes, peut-être plus, de fioul lourd déversées sur
le littoral de la Vendée au Finistère sud. Au moins 150 000 oiseaux marins pris dans cette soupe
mortelle, noire et gluante, un véritable désastre pour cette espèce animale. D’ailleurs, c’est suite à cette
catastrophe que quelques années plus tard, en 2012, sera créée la notion de « préjudice écologique »,
inscrite désormais au Code civil.
Les 26, 27 et 28 décembre : la « tempête du siècle » ou les ouragans Lothar et Martin qui, l’un après
l’autre, traversent le pays d’ouest en est, déracinant des milliers d’arbres et tuant 92 personnes.
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