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retrouvait pas leur complicité d’antan, ses amies s’étaient montrées distantes,
réservées. La veille de son départ, alors qu’elle arrivait chez Anne pour prendre le
thé, elle avait surpris leur conversation :
- On devrait lui en parler…
- Tu crois ? Je ne suis pas sûre qu’elle comprendrait…
Angèle était entrée dans le salon et avait demandé :
- Que devrais-je comprendre ?
Madeleine, gênée, lui avait répondu évasivement. Angèle n’avait pas osé insister.
Elles s’étaient quittées froidement. Elle se sentait exclue du trio. Elles lui avaient
pourtant prêté une oreille attentive quand elle leur avait fait part de ses problèmes de
couple. Elles l’avaient encouragée à se montrer conciliante avec son époux. Il faut,
disaient-elles, faire preuve de patience et le soutenir dans ses nouvelles
responsabilités professionnelles. Elles connaissaient Pierre, un homme fidèle qui
saurait continuer à lui prouver son amour.
Ces paroles l’avaient troublée. Comment pouvaient-elles la conseiller sur la vie de
couple, elles qui refusaient tous les prétendants ? Elles qui menaient encore la vie
des jeunes filles libres de la bourgeoisie royannaise ?
Ces questions ne cessaient de la hanter tandis qu’elle attendait dans la gare. Oui,
elle avait bien fait de descendre du train. Elle ne pouvait rentrer à Limoges sans son
chapeau. C’était un symbole, comme le ciment qui allait consolider son couple. Elle
avait hâte de retrouver Pierre mais ne supportait pas de rester dans le doute. De quoi
ses amies voulaient-elles lui parler ? Que devait-elle comprendre ? Il lui fallait obtenir
des réponses à toutes ces questions. Elle décida donc de retourner les voir et quitta
la gare.
La nuit fut agitée, tourmentée. Pourquoi avaient-elles voulu la rassurer sur la fidélité
de Pierre ? Etait-il vraiment fidèle ? Etait-ce réellement son travail qui le retenait tard
le soir ? Il l’avait encouragée à partir si facilement… content de pouvoir ainsi profiter
de sa liberté ? Pour retrouver sa maîtresse ? Le doute s’insinua en elle : il la trompait
et ses amies le savaient ! Voilà pourquoi elles étaient si distantes, si différentes.
Il fallait en avoir le cœur net.
Dès le lendemain matin, elle se rendit chez Madeleine. Elle fut surprise de les trouver
toutes les deux occupées à prendre le petit déjeuner.
- Angèle, tu n’es pas partie ?
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