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N° 20 Le chapeau
Elle attendait sur le quai. Elle repensait aux derniers jours passés avec celles qu’elle
avait considérées comme ses amies. Un malaise persistait en elle.
Ses pensées furent interrompues par l’arrivée du train.
La porte s’ouvrit, elle mit un pied sur la première marche, leva la tête et s’arrêta
brusquement. Pftt ! Son chapeau venait de s’envoler !
Elle le regarda tournoyer, emporté par le vent.
Que faire ? Monter dans le train et l’abandonner sur le quai ? Impossible ! Il était trop
précieux, elle ne pouvait s’en séparer. Descendre et le rattraper mais laisser le train
partir ? Face à ce dilemme, elle choisit de descendre. Par bonheur, un voyageur
resté sur le quai avait pu le récupérer et le lui rapporta. Elle décida d’attendre le
prochain train et rejoignit la salle d’attente de la gare de Royan. Elle prit place sur
une banquette, son chapeau sagement posé sur ses genoux et laissa ses pensées
prendre leur envol…
La voici avec Pierre dans les ruelles d’Olbia. Ils ont débarqué le matin même. Le
soleil est déjà brûlant. En attendant que les matelots déchargent leur malle, ils se
sont mis en quête d’une auberge où reprendre des forces après une traversée
éprouvante. Le mistral avait soufflé toute la nuit et ils n’avaient guère pu se reposer
dans leur cabine tant la houle les avait malmenés. Installés sur la place Matteoti, ils
dégustent leur café avec délice et se réjouissent à l’avance de leur voyage de noces
qui les emmènera à la découverte de la Sardaigne. Dès la descente du paquebot,
Pierre lui a acheté un chapeau craignant qu’elle ne souffre du soleil, un canotier en
paille cerclé d’un joli ruban bleu assorti à ses yeux. Pierre est un compagnon délicat
et cela la rassure de le savoir auprès d’elle, si attentionné. Elle eût préféré la Riviera
italienne, plus confortable, mais elle avait satisfait à son goût pour les voyages
insolites et accepté de partir sur cette île, encore sauvage à cette époque. Elle ne
regretta pas ce choix ! Les criques aux eaux cristallines, les petits ports de pêche, les
villages médiévaux et leurs habitants si chaleureux : ce voyage fut un
enchantement… qu’il fallut pourtant rompre ! Pierre devait reprendre la charge
d’avocat de son oncle, à Limoges.
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