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-  Comment je m’en suis sortie ? pas grâce à vous, en tout cas ! gronda Julia en soutenant

                      le regard de Glenda. Meriem gardait les yeux baissés.
                   -  Alors  raconte-nous !  aboya  Glenda.  Je  suis  curieuse  de  savoir,  parce  que  quand  on

                      tombe  entre  les  mains  de  ces  gens-là,  on  n’en  ressort  jamais  vivante  –  à  moins  de
                      changer de râtelier, bien sûr !

                   -  Je ne suis pas tombée entre leurs mains, répondit Julia, prenant sur elle pour ne pas crier.
                      Après ton gentil geste d’adieu, je me suis planquée derrière une espèce de mangeoire. Il

                      y avait de la fumée partout, ça criait de tous les côtés, ils ne m’ont pas vue : je suppose

                      qu’ils pensaient que tout le monde était mort, ou en fuite. Je suis restée là je ne sais pas
                      combien de temps, je n’osais pas bouger de peur qu’ils aient laissé des types en faction

                      et puis finalement j’ai sorti la tête de derrière ma mangeoire, et il n’y avait plus personne.

                      Ils avaient même emporté les corps, je suppose pour les montrer sur Le Réseau…
                   -  Oui, confirma Meriem. Le lendemain, le corps de Phuong était sur tous les écrans. Elle

                      avait le visage à moitié emporté par une rafale, c’était horrible à voir.
                   -  Après, reprit Julia, je suis redescendue à pied dans la vallée. Je crevais de faim. Au bout

                      de deux jours, je suis arrivée dans une ferme, et j’ai raconté que je m’étais perdue dans
                      la montagne pendant une rando. Le paysan m’a crue ; sa femme, peut-être pas, mais elle

                      m’a donné à manger et m’a laissé téléphoner à une amie qui est venue me récupérer et

                      m’a planquée chez elle, le temps que les choses se tassent. Voilà.
                   -  Je n’en crois pas un mot ! hurla Glenda. Personne n’aurait gobé ton histoire de rando,

                      personne ne t’aurait hébergée, c’est bien trop risqué dans cette vallée, si près de la
                      frontière : il y a des patrouilles partout et en plus, les téléphones sont surveillés !

               Julia s’était levée, elle avait ramassé son sac à dos et toisait les deux jeunes filles.

                   -  Tu crois ce que tu veux, ma chérie, maintenant, je m’en fous.
               Elle sortit dans le couloir. Un homme l’attendait, tranquillement assis dans le wagon-restaurant.

               Elle souleva son pull et en dégrafa le micro qu’elle posa sur la table, avec un mouvement de
               tête en direction de la voiture derrière elle.

                   -  Elles sont dans le dernier compartiment.

               Trois hommes et une femme, assis à la table voisine, se levèrent en silence et sortirent du
               wagon-restaurant. Moins de cinq minutes plus tard, on entendait trois coups de feu et Julia vit

               revenir deux des hommes, qui traînaient plus qu’ils n’encadraient une Meriem au visage tordu
               par la terreur, et inondé de larmes.

                   -  Je suis désolée, bredouilla-t-elle en passant devant Julia.

               Celle-ci ne répondit pas.


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