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On entendit un cri, en même temps que de puissants projecteurs éclairaient l’intérieur de la
bergerie. La femme qui montait la garde eut le temps de sortir une grenade de sa besace, sa
collègue de saisir le Tokarev qu’elle portait à la ceinture, mais toutes deux furent projetées
plusieurs mètres en arrière par des rafales d’armes automatiques. Phuong était parvenue à se
glisser derrière un des soldats qui s’étaient engagés à l’intérieur du bâtiment, et lui avait tranché
la gorge d’un seul coup de lame, avant d’être abattue à son tour. Le vacarme était épouvantable.
Au milieu de la fumée, Julia vit Glenda et Meriem se diriger, pliées en deux, vers un
renfoncement au fond de la bâtisse, et écarter une sorte de tapis de paille auquel elle n’avait pas
prêté attention. En-dessous se dissimulait une lourde trappe que Meriem souleva avec l’énergie
du désespoir, avant de s’engouffrer dans ce qui semblait être un escalier. Julia s’élança à leur
suite, mais alors qu’elle les rejoignait, Glenda se retourna et lui décocha un violent coup de pied
dans la poitrine. Julia se retrouva sur le dos à trois mètres de la trappe. Elle eut le temps
d’apercevoir le regard confus de Meriem, tandis que Glenda lui crachait à la face « Non mais
tu crois aller où, la vieille ? Tu restes là, tu nous retarderais ! » Après quoi elle aussi se jeta dans
la fosse, et Julia vit la trappe se refermer en même temps qu’un bruit de cavalcade résonnait
dans son dos. Elle eut à peine le temps de se retourner pour voir un soldat courir vers elle et
lever bien haut la crosse de son fusil. Elle se recroquevilla en position fœtale, mains sur la nuque
pour se protéger comme elle pouvait avec ses avant-bras.
***
- Vous m’avez bien plantée ! grinça Julia entre ses dents.
- Alors tu t’en es sortie ? murmura Meriem, d’un air gêné.
Glenda, elle, n’avait pas l’air gêné du tout. Elle fixait Julia de ses yeux clairs et siffla : Comment
tu as fait ?
C’était un très vieux train à compartiments comme on n’en voyait plus depuis des décennies,
mais que le Ministère des Mobilités et de la Liberté de Circulation avait remis en service : le
coût du réarmement obligeait à tailler dans le budget des autres administrations – du moins
celles qui n’étaient pas privatisées, car trop déficitaires. Glenda et Meriem avaient profité d’un
arrêt pour venir respirer cinq minutes à la porte du wagon, lorsque Julia s’était matérialisée sur
la première marche de l’escalier. Toutes trois avaient rapidement rejoint le compartiment
qu’occupaient les deux filles pour pouvoir s’expliquer face à face, loin des oreilles indiscrètes
– Dieu merci, aucun autre voyageur ne s’y était installé pendant l’arrêt en gare.
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