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pendant  les  campagnes  d’information.  L’exérèse  complète  seins-ovaires  allonge

                      statistiquement  la  durée  de  vie  des  femmes  –  a  fortiori  lorsqu’elle  est  réalisée
                      précocement, le schéma idéal étant trois enfants nourris au sein avant l’âge de trente

                      ans, et l’ECPOS dans la foulée ! Bon, je dis ça, vous n’êtes plus concernée, mais sachez
                      que si vous optez pour l’intervention, même à votre âge, vous pouvez encore prétendre

                      à  des  aides  gouvernementales  conséquentes.  Toujours  préférer  l’incitation  à  la
                      coercition, c’est avec ce genre de principe que nous bénéficions – que vous bénéficiez !

                      - des politiques familiale et sanitaire les plus volontaristes de toute la zone Eurasie.

               Julia savait qu’elle aurait dû se taire, mais c’était plus fort qu’elle :
                   -  Laissez-moi vous poser une question, Monsieur… Conti (le nom du fonctionnaire était

                      inscrit sur une petite plaque de bureau). Est-ce que votre épouse, votre maman, vos
                      sœurs et vos cousines… ont eu droit à leur ECPOS ? Non, bien sûr, poursuivit-elle sans

                      attendre la réponse. Parce que tout le monde sait bien que seules les femmes des sphères

                      inférieures subissent stérilisations et exérèses systématiques. Ces dames de la sphère A
                      bénéficient de mesures préventives et de chirurgies mini-invasives ! Quant aux maladies

                      génétiques… pas de ça chez vous, n’est-ce pas ?
               Le fonctionnaire avait toujours son sourire affable :

                   -  Vous  savez,  Julia,  je  vous  vois  venir,  certains  opposants  agitent  les  concepts  de

                      stérilisation forcée, d’eugénisme, et vont même jusqu’à convoquer l’Allemagne nazie !
                      Mais des programmes de santé publique courageux, faisant appel, entre autres, à la

                      chirurgie comme moyen de prévention, il y en a eu partout dans le monde, pas seulement
                      en Chine ou en Corée du Nord ! Et appliqués à des publics bien définis : populations

                      autochtones, personnes atteintes d’infirmités ou de maladies génétiques… nombre de
                      ces programmes se sont avérés, ma foi, très bénéfiques à l’ensemble de la société ! Bon,

                      je  vous  accorde  qu’ici  ou  là,  certains  acteurs  ont  pu  faire  preuve  d’un  peu  trop…

                      d’enthousiasme. Mais chez nous, aucun risque de dérapage : chaque nouveau process
                      est supervisé et encadré par le Comité d’Éthique qui veille, par exemple, à ce que les

                      stérilisations visant à l’éradication des maladies génétiques ne concernent qu’un public
                      et une liste d’affections bien définis. Quant aux ECPOS, en dehors des indications que

                      vous connaissez et qui les rendent obligatoires, elles ne sont pratiquées que sur la base

                      du volontariat. Avez-vous la moindre idée du coût que représentent, pour la société, les
                      maladies dont nous parlons ? Des dizaines de milliards par an, sans compter les pertes

                      de production pour les entreprises, alors qu’une politique de prévention comme celle
                      que nous avons mise en place génère des dépenses beaucoup plus modestes : de l’ordre



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