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pour avoir un joli dos. Il ne devait voir que moi. J’ai réussi, car c’est moi qu’il a embrassée à la

              fête votive, devant toutes mes copines médusées.
               Puis elle s’est mise à me parler de Marthe et de Marie, avec qui elle avait fait l’école normale.

            – De vraies amies, tu sais mon petit. Après elles se sont mariées, alors nous nous sommes perdues

              de vue, mais je pense à elles tout le temps… Au fait, mon petit, t’es marié ?

            – Euh, non.

            – T’as bien fait. Jeanne, elle te courait après, je me souviens, mais c’était une sacrée garce, fallait
              pas l’épouser.

               J’étais perplexe, assis, impossible de me concentrer. J’en ai pris mon parti, je laissais le temps

            filer avec ses souvenirs. Elle ne s’arrêtait plus

            – Moi je me serais bien mariée, mais Mamig ne voulait pas. Puis je n’ai pas vraiment trouvé le bon

              gars. Pas grave. Si, tiens, maintenant que j’y repense, il y a eu Paul, lui, il me plaisait bien, mais
              c’est Charlotte qui lui a mis le grappin dessus. Sacrée Charlotte, oh elle a dû le regretter car il

              paraît que Paul c’est un sacré coureur de jupons. Il est représentant en biscuits bretons, il sillonne
              toute la France, il va même à Paris de temps en temps. Ses petits sablés ravissent le palais de ces

              dames, enfin ce sont les mauvaises langues qui disent des trucs comme ça. Moi je ne sais pas. Je
              ne veux pas dire du mal.

               On venait d’annoncer le terminus.

            – Mon petit, n’oublie pas ton sac, nous sommes bientôt arrivés. Tu as vu M. Léon ?

            – Non.

            – Monsieur Léon, le contrôleur.  Il est si charmant ce Monsieur Léon, pas besoin de prendre de

              billet, il m’a toujours laissée passer et jamais mis de PV.

            – Oui, mais là, c’est une dame qui contrôle…

            – Non, non,  c’est Monsieur Léon. Jamais il n’y aura de dame pour contrôler, c’est le travail de
              Monsieur Léon, voyons.

               Le train a ralenti, jusqu’à s’arrêter.

               La brigade de gendarmerie était au complet, sur le quai, à attendre cette sacrée « Mamm » qui

            avait fui. Il y avait aussi les soignants de l’EHPAD qui l’attendaient. Sa petite fille, complètement
            affolée.

               Toute fière Mamm a mis le pied sur le quai, regardé tout ce monde, a ignoré cette jeune femme

            qui l’implorait « Mamie, Mamie ». Elle s’est mise à crier de toutes ses forces




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