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N° 19



                                       DEUX MILLE QUATRE-VINGT-QUATRE



               Elle attendait sur le quai. Elle repensait aux derniers jours passés avec celles qu’elle avait
               considérées comme ses amies. Un malaise persistait en elle. Ses pensées furent interrompues

               par l’arrivée du train. La porte s’ouvrit, elle mit un pied sur la première marche, leva la tête et

               s’arrêta brusquement. Glenda et Meriem se tenaient dans le sas d’entrée, et la regardaient. Avec
               hostilité pour l’une, appréhension pour l’autre.




                                                           ***


               Tout avait commencé trois mois plus tôt. Julia attendait tranquillement une amie dans un bar,
               elles avaient prévu d’aller voir un film dans l’un des rares cinémas encore ouverts, quand la

               patrouille était arrivée. Deux soldats s’étaient postés à chacune des issues, les autres avaient

               commencé à contrôler les clients, passeports et puces électroniques. L’un des militaires était
               équipé d’un lecteur,  qu’il passait dans le dos des personnes présentes. Le transpondeur était

               généralement implanté entre les omoplates, pour que les gens n’aient pas le réflexe de se gratter
               et en arrivent, à force, à l’abimer, voire le retirer. En se contorsionnant, Julia arrivait parfois à

               le sentir du bout des doigts, roulant sous la peau de son dos. Le soldat circulait entre les tables :

               un  bip  retentissait  à  chaque  fois  que  le  lecteur  détectait  une  puce  et  que  les  principales
               informations du porteur, identité, opinions politiques, particularités génétiques… s’affichaient

               sur l’écran ; les dossiers médicaux complets n’étaient consultables qu’avec un autre type  de
               scanner, réservé aux hôpitaux et aux services de sécurité.




               Le soldat était maintenant derrière Julia. Il lui balayait toute la surface du dos avec son lecteur,
               mais celui-ci restait obstinément silencieux. Un jeune lieutenant vint se placer devant elle et lui

               demanda si elle avait retiré son transpondeur, ou si elle l’avait désactivé d’une façon ou d’une
               autre.  Elle  répondit  que  non.  Seule  assise  au  milieu  des  hommes  debout,  la  situation  était

               franchement inconfortable. Le jeune lieutenant contrôla son passeport, regarda sa poitrine, et
               lui demanda en rougissant si elle était opérée. Il avait l’âge d’être son fils ; elle eut envie de

               répliquer qu’il n’avait qu’à vérifier par lui-même, mais elle se dit qu’il valait mieux faire profil

               bas et répondit simplement que non. Son amie était arrivée dans l’intervalle : elle avait vu les
               soldats à temps, et lui avait juste fait un petit signe à travers la vitre avant de s’éloigner. Le

               contrôle  touchait  à  sa  fin.  Dans  la  salle,  le  soulagement  était  palpable,  les  conversations






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