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ont même bien voulu que je moule leur visage. Elles comprenaient vite
qu’elles avaient à faire à un illuminé plutôt qu’à un satyre.
Sonia remarqua qu’il avait prononcé cette dernière phrase avec un soupçon de
tendresse dans la voix.
- Au fond vous les aimez bien ces femmes.
- Je ne sais pas. L’âge avançant, je me dis qu’à leur place, j’aurais sans doute
eu la même réaction. Et puis après tout, je dois à mon allure repoussante
l’œuvre qui selon moi est la plus aboutie de toute ma vie d’artiste.
La curiosité se manifesta naturellement :
- Ah bon. Quelle œuvre ? Vous voulez bien me la montrer ?
Le petit homme afficha un sourire amer :
- Vous en avez une bonne partie sous les yeux, et vous avez sérieusement
amoché l’autre partie. Le problème, c’est que je ne sais pas comment je vais
rattraper le coup pour que tout soit installé à temps pour l’expo.
La mine déconfite du plasticien poussa l’infirmière à s’excuser de nouveau et à
réitérer sa proposition d’aide. Après avoir réfléchi un instant, il finit par répondre :
- Mon ami m’a invité à participer à une exposition d’art contemporain qu’il
organise à Paris et qui ouvre ses portes ce week-end. Il nous reste donc
exactement quatre jours et une nuit. Le transporteur devait passer demain,
mais je peux repousser encore d’un ou deux jours. Si vous pouvez me
consacrer une journée, c’est peut-être jouable.
- Vous avez de la chance, je suis de repos demain. Je comptais récupérer de
ma nuit d’insomnie, mais tant pis. Si vous m’expliquiez en quoi consiste votre
installation.
- Alors voilà…
Sonia avait retrouvé son assurance et l’interrompit :
- Au fait c’est quoi votre prénom ?
- Marcello, pourquoi ?
- Et bien juste pour savoir. Alors cette installation ?
- Je compte disposer tous les portraits en arc-de-cercle sur un grillage monté
pour l’occasion, et la reproduction du David équipé de ses accessoires face à
eux.
- Ah, et c’est quoi le but ? Montrer que la beauté peut se couvrir de ridicule et
aussi inspirer le dégoût ?
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