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N° 100
La Confession
Elle avait eu maintes fois l'occasion d'être appelée pour des soins urgents au 32, avenue
du manoir, 5ème étage, porte gauche.
Mais ce matin là, fatiguée par une nuit d'insomnie, elle s'arrêta au 4ème étage, et frappa
porte gauche.
A peine s'était elle aperçu de son erreur, qu'une voix résonna dans la pièce du fond :
« Enfin ! Je vous attendais ».
Interloquée, elle s’avança dans le corridor. « Entrez, entrez, et refermez la porte derrière
vous ! ». Martine s’exécuta et continua jusque la pièce du fond. Celle-ci était un salon
assez grand, aux volets fermés. Le peu de lumière qui filtrait à travers ceux-ci éclairait un
sofa et un grand fauteuil, dans lequel une créature étrange était assise. C’était
vraisemblablement un vieux monsieur, si voûté qu’il semblait plié en deux. Il était vêtu
d’une veste d’intérieur en velours sombre et d’un pantalon de velours côtelé. Des
pantoufles chaussaient ses pieds. Ses yeux se cachaient derrière de grosses lunettes
noires.
Des rayonnages de livres couvraient les murs de la pièce, dénotant la demeure de
quelqu ‘un d’instruit. Une table basse était disposée devant le sofa, couverte elle-aussi
d’anciens volumes.
« Mais je ne suis pas... » commença Martine, tout de suite interrompue par le vieil homme.
« Vous êtes la personne envoyée par la paroisse! » affirma-t il d’un ton qui ne supportait
aucun contradiction. « Vous êtes ici pour recueillir ma confession. Voyez-vous, je n’ai plus
très longtemps à vivre et il me faut maintenant raconter cette histoire… Taisez-vous et
asseyez-vous sur le sofa. »
Étrangement subjuguée, Martine s’assit comme on le lui avait intimé. Pourtant, dans sa
profession d’aide-soignante à domicile, elle avait vu beaucoup de choses et n’avait pas
l’habitude de perdre ses moyens. Mais là, le vieil homme possédait une autorité naturelle
telle qu’elle n’osa rien dire. Peut-être aussi un peu de curiosité malsaine joua dans son
obéissance à la voix chevrotante.
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