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«  C’était donc en 1942», reprit le vieil homme. « Je vivais à Pouldreuzic à l’époque, j’étais

            fils  de  paysan. Je passais l’année  au lycée de Quimper, interne au lycée de la  Tour
            d’Auvergne très précisément et je revenais passer  mes vacances dans  ma  famille. La

            guerre avait bouleversé beaucoup de choses mais à mon âge, j’avais 16 ans, tout cela me
            concernait peu. Nous avions moins de restrictions que certains, étant donné que la ferme

            nous fournissait de quoi nous nourrir. Les plages étaient interdites, ça je m’en souviens
            bien. Mais la vie continuait quand même malgré la présence d’Allemands un peu partout.

            D’ailleurs ces Allemands étaient bien contents d’être là, au lieu de partir sur le front russe.

            Il y en avait même qui apprenaient le breton et qui s’étaient bien accoutumés à leur vie ici.
            Je me souviens qu’un jour mon chien, un épagneul breton qu’on gardait pour la chasse,

            on allait dans les bois à Plogastel Saint Germain chasser le lapin, avait été blessé par le
            berger allemand d’un soldat stationné à Pouldreuzic. Eh bien, le chef de ce soldat était

            venu voir mon père pour lui demander de porter plainte. Il voulait se débarrasser de cet
            élément,  un vrai nazi  selon lui. Nous avions porté plainte et le soldat avait été envoyé

            ailleurs, nous n’avons jamais su où. C’était au début de la guerre, quand les Allemands

            voulaient se faire bien voir. En 1940, je crois. Mais je digresse. Ce n’est pas pour cela que
            je vous ai fait venir ».


            Ici, à sa décharge, Martine tenta bien de dire un mot. Elle n’y réussit pas.

            « Donc c’était en 1943, la situation n’était plus aussi bonne pour les Allemands, cela se

            savait plus ou moins. J’étais revenu à la ferme pour les vacances, comme je vous l’ai déjà
            dit. A l’époque, j’avais un ami, Henri Le Goff, il s’appelait.  Contrairement à moi, Le Goff

            était très concerné  par la guerre. Il  faisait  partie d’un réseau  de résistants, malgré son

            jeune âge. Il transportait du courrier pour eux, surveillait les mouvements des Allemands,
            les routes,… Il se sentait très utile et, un peu vantard, communiquait beaucoup trop autour

            de lui sur ce qu’il faisait. Ce Le Goff avait une sœur qui se prénommait Marie. Il avait mon
            âge, et sa sœur était d’un an plus âgée. Elle était très jolie, cette Marie, et me plaisait

            beaucoup. Mais Le Goff avait décidé que je n’étais pas la bonne personne pour sa sœur. Il
            préférait qu’elle fréquente un ami à lui qui faisait partie du même groupe de résistants,

            Georges Le Du.


            Donc, un jour, je savais que Le Goff et Le Du étaient allés à une ferme du coin pour porter
            un courrier de la résistance, je suis allé voir Marie. Elle était dans le jardin de leur ferme,

            en train d’étendre des draps. Elle était toujours habillée en bigoudène, à l’époque, avec
            une jupe grise, un tablier noir, un haut noir et le dessous de coiffe noir qui retenait ses


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