Page 22 - affiche-plume-2020.indd
P. 22
- Elle a été enterrée au cimetière des Hortensias, en bas de la 7 ème avenue. Vous… Vous
ne le saviez pas ?
Georges désigna du menton la multitude de câbles qui le retenaient prisonnier.
- Avec tout ce foutu attirail, je n’ai même pas pu assister à sa cérémonie d’adieu.
Son visage se fermait tandis qu’il poursuivait son récit. Il semblait vouloir se libérer d’un
poids qu’il avait porté depuis maintenant trop longtemps. Un film de souvenirs commença à
se dessiner devant ses yeux, et il entreprit d’en décrire le contenu à la jeune femme.
- Je… Je me souviens de ce jour comme si c’était hier. Elle était en train de préparer le
café, avant que ne commence notre émission préférée du mercredi. C’était une sorte de
reportage sur les grandes expéditions de l’océan. À travers lui, on se remémorait nos
bons vieux souvenirs sur mon voilier, on revivait un peu à travers ces images qu’on
avait traversées dans le passé. J’étais en train de l’appeler pour lui dire que l’émission
commençait lorsque j’ai entendu un bruit sourd. Je l’ai vu. Son corps frêle s’effondrer
à l’entrée du salon. Le café se renverser sur le tapis. Ces images hantent mes
cauchemars depuis des mois. Elle ne bougeait plus. J’ai appelé à l’aide mais personne
ne répondait. Je hurlais, je tapais, mais rien. Je ne pouvais même pas bouger.
Le vieil homme réprima un hoquet de douleur. Sa vue se brouillait, et il ferma les yeux,
essayant de chasser ces larmes qui lui montaient. Il n’avait encore jamais raconté ce jour-là à
personne. Toute sa vie, on lui avait dit que parler pouvait guérir les blessures. Mais il avait
simplement l’impression d’avoir pris un pied de biche et d’être en train de rouvrir des
blessures qu’il voulait faire disparaître. Mais il fallait qu’il continue. Il fallait que quelqu’un
sache.
- Quand on a enfin entendu mes cris, les secours ont été prévenu, et ils ont débarqués
quelques temps plus tard. Je n’avais plus d’espoir. La pièce était froide, Talia. Sa
chaleur s’en était allée. Ils m’ont confirmé qu’elle avait déjà pris le large. J’ai senti
quelque chose en moi se briser. J’ai voulu savoir ce qu’il s’est passé mais ils ne m’ont
pas écouté. Ils … Ils … Ils ont pris ma femme, ils ne m’ont pas laissé lui dire au revoir.
Ils ont ramassé son corps comme si c’était une vieille chaussette et ils l’ont emmené
loin de moi.
Les larmes roulaient à présent sur les joues creusées de Georges, son souffle saccadait par des
râles de tristesse profonde. Talia sentait que les siennes n’étaient plus très loin. Cette histoire
5