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imaginé ce matin en se réveillant. Elle avait l’impression d’avoir vécu mille vies en quelques
               heures.


               Elle allait prendre le chemin de la sortie quand ses yeux se posèrent sur le fameux banc. Ça
               faisait si longtemps qu’elle ne s’était pas assise là. À quoi bon s’asseoir sur ce banc seule ?

               Elle aurait tellement aimé que Marie soit là, pour l’aiguiller, la couvrir de ses bons conseils

               dont elle seule avait le secret. Sans raison apparente, Talia fit demi-tour et se posa sur le vieil
               ancêtre de bois. Peut-être ce lieu symbolique allait-il lui porter conseil. Elle se souvint de la

               dernière fois où elle se trouvait là, en compagnie de Marie.

               Talia avait eu une journée difficile ce jour-là, ayant vécu dès le réveil une affreuse dispute

               avec son compagnon de l’époque. Il lui avait annoncé qu’il voulait partir, qu’il ne l’aimait

               plus. Elle avait tout fait pour le retenir, en vain. Entre deux sanglots, elle raconta toutes les
               péripéties de cette histoire à Marie, qui l’écoutait d’une oreille attentive. Quand elle eut fini,

               la vieille femme lui avait pris les mains, et de but en blanc, droit dans les yeux, lui avait dit :

                   -  Il faut que tu le laisses partir.

                   -  Quoi ?!
                   -  Il faut que tu le laisses s’en aller.

                   -  Mais… mais je ne peux pas faire ça.

                   -  Pourquoi ?
                   -  Et bien parce que je l’aime, pardi !

                   -  Et bien c’est justement pour ça que tu dois le laisser partir ma mignonne ! Si les gens
                      veulent partir, qu’ils partent ! S’ils veulent rester, qu’ils restent. On se déchire les

                      mains et le cœur à tenter de les retenir, de les maintenir attachés à nous. On resserre

                      les cordes comme si ça allait les empêcher de s’en aller. Mais quand tu t’es déjà fait à
                      l’idée que ta place n’était plus ici, que fondamentalement il n’y avait plus rien qui te

                      retenait, rien ne te fera rester, même pas le cœur le plus pur et sincère du monde.
                   -  …

                   -  Talia, dans la vie, on ne sait jamais ce qui peut arriver, ce que l’autre peut avoir en

                      tête. Mais quand il te fait savoir ses desseins, à savoir ici partir, tu ne peux pas être
                      égoïste et lui demander de rester. Tu dois respecter ses choix. Il a déjà rompu le lien.

                      C’est fini. C’est comme essayé de ramener un  navire sur la  côte  en tirant sur une
                      corde  auquel il n’est plus attaché. Garde tes efforts pour te relever ma fille, mais

                      laisse les gens s’en aller si c’est ce qu’ils désirent.



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