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     façon ? Ces pensées moroses l’accompagnèrent jusqu’au  parking de l’hôpital où  elle
            trouva une place difficilement.
            De  retour dans le service, elle  prit connaissance des informations compilées dans le
            cahier de liaison. Il n’y avait rien d’inquiétant. Elle débuta ses visites, dans l’ordre préétablit.
            L’après-midi touchait à sa fin lorsqu’elle ouvrit la porte de la chambre 212, celle de son
            dernier patient. Celui dont le nom apparaissait en rouge dans son cahier. Dès qu’elle entra
            dans la pièce elle sut que l’état de santé du malade laissait à désirer. Un effluve malsain
            était  perceptible,  à la marge des  odeurs rassurantes des produits antiseptiques. Elle
            s’approcha du lit et  consulta la  fiche  médicale, n’y voyant pourtant rien d’alarmant.
            Néanmoins elle savait qu’il s’enfonçait dans un état comateux duquel il n’allait pas sortir
            vivant. Il  fallait  procéder en urgence  à des examens sanguins et urinaires
            complémentaires. Elle penchait pour un empoisonnement du sang et une insuffisance des
            fonctions rénales.  Tandis qu’elle réfléchissait, le  professeur en charge du service entra
            dans la chambre, accompagné de l’infirmière en chef et d’un petit groupe d’internes. A son
            tour il consulta la fiche qui pendait au bout du lit et lut à voix haute voix le diagnostic ainsi
            que le traitement associé. Il précisa aux élèves la pathologie du malade, usant de termes
            médicaux précis et abscons. S’il avait tourné les yeux deux ou trois fois vers le patient, il
            ne l’avait regardé à aucun moment. Cet être humain n’était qu’un cas clinique. Il n’existait
            que par sa maladie. Le groupe se dirigeait vers le couloir lorsque Marie intervint.
              -  Excusez-moi professeur mais ce monsieur ne va pas bien du tout. Il respire mal, son
                  odeur corporelle n’est pas saine, il ne réagit pas quand on lui parle. Je pense qu’il
                  souffre d’un empoisonnement du sang et d’une insuffisance rénale. Mon intuition me
                  dit qu’il faudrait faire des examens complémentaires.
            Le médecin s’arrêta sur le seuil de la chambre. Lentement il toisa l’infirmière puis regarda
            les étudiants qui l’accompagnaient et retenaient leur souffle.
              -  Ainsi donc,  madame Durieux, vous, simple auxiliaire médicale,  contestez mon
                  diagnostic ? Sur quelles bases ? Votre odorat, votre ouïe, une conversation sur un
                  forum peut-être ? Voyez-vous, jeunes gens, la médecine est une affaire sérieuse qui
                  se base sur des  faits, des analyses, l’usage de la  métrologie  et des  techniques
                  modernes d’introspection. L’intuition n’a rien à faire dans cette équation. C’est même
                  un élément perturbateur, voire un mauvais conseiller.
            Puis il sortit de la chambre, accompagné de sa cour d’admirateurs. L’infirmière en chef se
            retourna en franchissant le seuil et aboya sèchement.
              -  Vous viendrez me voir après votre service !
            A la  fin  de sa journée, Marie se présenta  dans le bureau de sa responsable dont  elle
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