Page 22 - affiche-plume-2020.indd
P. 22
façon ? Ces pensées moroses l’accompagnèrent jusqu’au parking de l’hôpital où elle
trouva une place difficilement.
De retour dans le service, elle prit connaissance des informations compilées dans le
cahier de liaison. Il n’y avait rien d’inquiétant. Elle débuta ses visites, dans l’ordre préétablit.
L’après-midi touchait à sa fin lorsqu’elle ouvrit la porte de la chambre 212, celle de son
dernier patient. Celui dont le nom apparaissait en rouge dans son cahier. Dès qu’elle entra
dans la pièce elle sut que l’état de santé du malade laissait à désirer. Un effluve malsain
était perceptible, à la marge des odeurs rassurantes des produits antiseptiques. Elle
s’approcha du lit et consulta la fiche médicale, n’y voyant pourtant rien d’alarmant.
Néanmoins elle savait qu’il s’enfonçait dans un état comateux duquel il n’allait pas sortir
vivant. Il fallait procéder en urgence à des examens sanguins et urinaires
complémentaires. Elle penchait pour un empoisonnement du sang et une insuffisance des
fonctions rénales. Tandis qu’elle réfléchissait, le professeur en charge du service entra
dans la chambre, accompagné de l’infirmière en chef et d’un petit groupe d’internes. A son
tour il consulta la fiche qui pendait au bout du lit et lut à voix haute voix le diagnostic ainsi
que le traitement associé. Il précisa aux élèves la pathologie du malade, usant de termes
médicaux précis et abscons. S’il avait tourné les yeux deux ou trois fois vers le patient, il
ne l’avait regardé à aucun moment. Cet être humain n’était qu’un cas clinique. Il n’existait
que par sa maladie. Le groupe se dirigeait vers le couloir lorsque Marie intervint.
- Excusez-moi professeur mais ce monsieur ne va pas bien du tout. Il respire mal, son
odeur corporelle n’est pas saine, il ne réagit pas quand on lui parle. Je pense qu’il
souffre d’un empoisonnement du sang et d’une insuffisance rénale. Mon intuition me
dit qu’il faudrait faire des examens complémentaires.
Le médecin s’arrêta sur le seuil de la chambre. Lentement il toisa l’infirmière puis regarda
les étudiants qui l’accompagnaient et retenaient leur souffle.
- Ainsi donc, madame Durieux, vous, simple auxiliaire médicale, contestez mon
diagnostic ? Sur quelles bases ? Votre odorat, votre ouïe, une conversation sur un
forum peut-être ? Voyez-vous, jeunes gens, la médecine est une affaire sérieuse qui
se base sur des faits, des analyses, l’usage de la métrologie et des techniques
modernes d’introspection. L’intuition n’a rien à faire dans cette équation. C’est même
un élément perturbateur, voire un mauvais conseiller.
Puis il sortit de la chambre, accompagné de sa cour d’admirateurs. L’infirmière en chef se
retourna en franchissant le seuil et aboya sèchement.
- Vous viendrez me voir après votre service !
A la fin de sa journée, Marie se présenta dans le bureau de sa responsable dont elle
4