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- Ah bon, tu as essayé de me joindre ? Mon téléphone doit déconner. Pourtant j’ai eu

ton message ce matin. Tu sais, il m’arrive des choses étranges en ce moment.
Figure-toi que j’ai rencontré une drôle de dame qui m’a donné un drôle de cahier. Le

matin, je fais le vide en moi et ensuite, quand j’ouvre les yeux, il y a les noms de mes
patients qui se retrouvent écrits en vert, ou en bleu, parfois en rouge, voire en noir.

Encore le noir c’est normal, j’utilise un stylo noir, mais les autres couleurs, je ne
comprends pas d’où elles viennent ni ce qu’elles signifient. Tiens, regarde !

Elle tendit son cahier à son amie qui feuilleta les pages avant de regarder intensément

Marie.
- Est-ce que tu en as parlé à quelqu’un d’autre ?

- Non, à qui voudrais-tu que j’en parle, à part à toi bien sûr.
- Tu m’avais promis que tu irais voir un psy, tu te rappelles ? Pour t’aider à surmonter

toutes tes difficultés suite à ton divorce et aux souffrances que tu as endurées ?
- Mais je n’en ai plus besoin, je vais bien maintenant. Je ne vais pas perdre de temps

à suivre une thérapie pour sortir d’une période compliquée qui est terminée, non ?

- Promet-moi d’y réfléchir quand même. Je connais quelqu’un de très bien si tu veux.
On commande ? La tarte du jour a l’air délicieuse.

En arrivant à l’hôpital, Marie apprit le décès du patient de la 212, tôt ce matin. Elle pesta

contre son impuissance à le sauver, contre l’arrogance du professeur qui n’avait pas tenu
compte de son avis, contre tout ce qui s’acharnait à lui rendre la vie impossible. Elle

ruminait, assise seule dans la sale de pause, quand une petite voix intérieure lui suggéra
de relier les couleurs associées aux noms, dans son cahier, à l’état de santé des patients.

Fébrilement, elle le consulta et la solution lui apparût alors, aussi clairement qu’une
évidence.

- En vert les personnes dont la santé est plutôt bonne, en bleu celles qui ont un souci,

en rouge celles dont le cas est grave et en noir celles qui sont décédées. Ce cahier
magique est un don du ciel. Avec lui je vais pouvoir mieux soigner mes patients !

Comment n’y avait-elle pas pensé plus tôt ? Marie jubilait. Debout au milieu de la salle,
elle esquissa quelques pas de danse en riant. Une collègue entra et la regarda un peu

surprise. Marie la salua, serra son cahier contre elle, baissa la tête et sortit en soliloquant.
Les semaines suivantes, après avoir pris connaissance des couleurs de ses patients, elle

planifia ses tournées de façon à débuter par les cas notés en rouge, en leur consacrant le

plus de temps possible, puis en finissant par ceux notés en vert pour lesquels elle
consacrait très peu de temps. L’après-midi, elle appliquait la même méthode à l’hôpital.

Marie était ravie de son ingéniosité. Enfin pouvait-elle définir l’ordre de ses visites et
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