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que je travaille mal. Depuis que j’utilise mon cahier magique, c’est encore pire.
- De quel cahier parlez-vous ?
Marie se crispa, sur la défensive. Si elle lui racontait son histoire, il ne la croirait pas. Elle
se contenta d’en dire le moins possible. S’en suivit une série de questions sur ses horaires
professionnels, sur ses relations de travail puis sur sa vie privée, notamment sur la qualité
de son sommeil. En deux heures d’échanges, le médecin avait cerné le cas de Marie, tant
il était habitué à recevoir un personnel médical dans la même situation pathologique.
- Vous êtes dans un état d’épuisement total, madame Durieux. Vous êtes si épuisée
que vos jugements sont altérés, que vous ne travaillez que grâce à vos
automatismes issus de votre longue expérience professionnelle. Votre corps est si
fatigué que vous ne tenez plus que sur vos nerfs, que vous n’arrivez même plus à
dormir et que vous ne pouvez même plus prendre soin de vous. Compte tenu de
votre état physique et psychologique, je vous prescrit un arrêt de travail immédiat,
pour une durée d’un mois reconductible, assorti d’un traitement médicamenteux qu’il
vous faudra suivre scrupuleusement, sous peine de ne pas guérir totalement. Je
vous conseille également de vous éloigner de votre domicile, le temps de vous
refaire une santé.
Marie retourna chez elle sans se rappeler du trajet qu’elle avait emprunté en sortant de sa
consultation, ni du regard compatissant du pharmacien quand il lui avait donné le sac
contenant son traitement. Il faut dire que les propos du psy l’avaient bouleversée. Elle jeta
rapidement quelques effets personnels dans une valise et ressorti sans un seul regard
pour le capharnaüm qui régnait dans son appartement. Elle conduisit jusqu’à chez Chloé
dans un état second. En sonnant à la porte, elle passa machinalement sa main dans ses
cheveux gras et lissa son chemisier fripé. L’attitude de Chloé se métamorphosa en
quelques secondes. D’abord surprise par la visite impromptue de son amie, puis ravie de
la revoir si vite, elle s’inquiéta de sa petite mine et sentit son cœur se serrer en voyant sa
tenue vestimentaire négligée. Lorsqu’elle la prit dans ses bras, elle sentit son corps noué,
tendu à la limite de la rupture. Son odeur l’assaillit également. Soudain Marie lâcha prise.
Des sanglots la submergèrent tandis qu’elle appelait au secours, ses jambes tremblèrent
de plus en plus fort, ses yeux se révulsèrent et elle s’évanouit, s’effondrant corps et âme,
au bout du rouleau.
Pendant les trois jours qui suivirent, Marie vécut comme un zombie. Chloé endossa le rôle
d’infirmière et maintint sa meilleure amie à flots jusqu’à ce qu’elle assiste à ses premiers
pas dans la maison. Posant la main contre le mur ou sur les meubles, afin de ne pas
perdre l’équilibre, Marie s’arrêta devant la vitrine de la bibliothèque. Son visage se figea
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