Page 26 - affiche-plume-2020.indd
P. 26

que je travaille mal. Depuis que j’utilise mon cahier magique, c’est encore pire.

              -  De quel cahier parlez-vous ?
            Marie se crispa, sur la défensive. Si elle lui racontait son histoire, il ne la croirait pas. Elle

            se contenta d’en dire le moins possible. S’en suivit une série de questions sur ses horaires
            professionnels, sur ses relations de travail puis sur sa vie privée, notamment sur la qualité

            de son sommeil. En deux heures d’échanges, le médecin avait cerné le cas de Marie, tant
            il était habitué à recevoir un personnel médical dans la même situation pathologique.

              -  Vous êtes dans un état d’épuisement total, madame Durieux. Vous êtes si épuisée

                  que vos jugements sont altérés, que  vous ne travaillez que grâce  à vos
                  automatismes issus de votre longue expérience professionnelle. Votre corps est si

                  fatigué que vous ne tenez plus que sur vos nerfs, que vous n’arrivez même plus à
                  dormir et que vous ne pouvez même plus prendre soin  de vous. Compte tenu de

                  votre état physique et psychologique, je vous prescrit un arrêt de travail immédiat,
                  pour une durée d’un mois reconductible, assorti d’un traitement médicamenteux qu’il

                  vous faudra suivre scrupuleusement, sous  peine de ne pas guérir  totalement. Je

                  vous conseille également de vous éloigner de votre domicile, le temps de vous
                  refaire une santé.

            Marie retourna chez elle sans se rappeler du trajet qu’elle avait emprunté en sortant de sa

            consultation, ni du regard compatissant du pharmacien quand il lui avait donné le sac
            contenant son traitement. Il faut dire que les propos du psy l’avaient bouleversée. Elle jeta

            rapidement quelques  effets  personnels  dans une valise et ressorti sans un seul regard
            pour le capharnaüm qui régnait dans son appartement. Elle conduisit jusqu’à chez Chloé

            dans un état second. En sonnant à la porte, elle passa machinalement sa main dans ses
            cheveux gras et lissa son chemisier  fripé. L’attitude de Chloé se métamorphosa en

            quelques secondes. D’abord surprise par la visite impromptue de son amie, puis ravie de

            la revoir si vite, elle s’inquiéta de sa petite mine et sentit son cœur se serrer en voyant sa
            tenue vestimentaire négligée. Lorsqu’elle la prit dans ses bras, elle sentit son corps noué,

            tendu à la limite de la rupture. Son odeur l’assaillit également. Soudain Marie lâcha prise.
            Des sanglots la submergèrent tandis qu’elle appelait au secours, ses jambes tremblèrent

            de plus en plus fort, ses yeux se révulsèrent et elle s’évanouit, s’effondrant corps et âme,
            au bout du rouleau.

            Pendant les trois jours qui suivirent, Marie vécut comme un zombie. Chloé endossa le rôle

            d’infirmière et maintint sa meilleure amie à flots jusqu’à ce qu’elle assiste à ses premiers
            pas dans la  maison.  Posant la main contre le mur ou sur les meubles, afin de ne  pas

            perdre l’équilibre, Marie s’arrêta devant la vitrine de la bibliothèque. Son visage se figea
                                                                                                            8
   21   22   23   24   25   26   27   28   29   30   31