Page 61 - affiche-plume-2020.indd
P. 61

Lors qu’Adélaïde arriva rue du Manoir, elle n’eut aucune difficulté à trouver le numéro 32 puisque

            c’était le seul immeuble de la rue, elle composa le code, monta directement au quatrième étage  et
            sonna.

            Henri ouvrit. Il balbutia quelques mots inaudibles car il reconnaissait son enveloppe entre les mains
            de la visiteuse.

            - « Entrez, entrez-donc... » lui souffla-t-il.
            Tous deux s’observaient, demeurant sans voix. L’émotion était si forte qu’il fallut attendre quelques

            minutes avant qu’ils ne reprennent leurs esprits.

            - « Mon Dieu, après toutes ces années... »
            Puis, peu à peu, chacun raconta sa vie.

            Henri lui dit qu’il avait été peiné d’apprendre qu’elle était partie sans même lui avoir dit au-revoir,
            qu’il pensait souvent à  elle et que même une fois, se trouvant à Paris, il était passé devant son

            magasin mais n’avait pas osé entrer. Il lui parla de son fils et de l’accident de kite qui avait causé sa
            mort alors qu’il n’avait que dix-neuf ans. Un drame qui avait plongé leur couple dans un si grand

            chagrin que sa femme ne s’en était jamais remise, et devait décéder trois mois après. Il avait alors

            décidé de quitter le  château devenu trop  grand pour s’installer dans cet appartement dont
            l’immeuble appartient à sa famille. Il n’en sort plus guère. Sa gouvernante habite l’étage supérieur,

            en passant sur le palier, elle lui dépose ce dont il a besoin.

            De son côté Adélaïde lui raconte le séjour en Bretagne a changé sa vie. Que Hector avait été ravi de
            la naissance de Marie-Ange, et lui dit combien il la chérissait. Mais elle due lui avouer qu’il avait

            été, jusqu’à son dernier souffle, suspicieux. Qu’elle ne savait comment se comporter.  Devait-elle
            garder le secret, comme elle l’a fait, et être condamnée à vivre dans le mensonge ; ou lui dire la

            vérité, comme elle s’est refusée à le faire, craignant que cela ne détruise leur couple ? La situation
            était parfois tendue. Il était même arrivé qu’elle le soupçonna d’avoir découvert son secret car il

            devenait agressif, se livrait à des reproches, puis, n’y songeant plus, il se lançait dans des projets,

            proposait que nous retournions en vacances en Bretagne, peut-être que Marie-Ange aurait eu ainsi
            un petit-frère ?

            Adélaïde avait toujours refusé prétextant une irrésistible envie de découvrir la montagne. Ils allèrent
            donc dans les Alpes, mais dans les mois qui suivirent leur séjour aucun heureux événement ne se

            produisit. Une vie routinière s’écoulait, entre les affaires, la marche du magasin, les soupçons, les
            tensions, l’ennui et toujours ce mensonge… aucun drame, certes, mais aucune joie non plus.

            Les deux amants se retrouvent là, dans cet appartement toujours aussi sombre. Tous deux vieillis,

            assis sur le canapé, l’un à côté de l’autre, il lui prit la main, l’affection et la tendresse se sont
            substitués à l’amour et la passion.

            Adélaïde lui demanda comment il a pu savoir que c’était elle qui venait d’arriver dans le village.


                                                            6
   56   57   58   59   60   61   62   63   64   65   66