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Marie-Ange Desvauchelle est infirmière libérale. Bien que âgée de trente-deux ans, elle est
célibataire. Au décès de son père, sa mère Adélaïde, avait souhaité s’installer avec sa fille dans ce
petit village breton.
D’abord surprise par cette idée, Marie-Ange s’était laissée convaincre par les arguments de sa mère
selon lesquels la vie parisienne était trop agitée, que d’y rester seule lui donnerait le cafard, qu’elle
aussi avait besoin de changer d’environnement, que c’était là, en Bretagne, proche de la mer, qu’elle
vivrait les meilleurs moments de son existence, que la vie y serait plus douce.
Alors, elle engagea les démarches pour y implanter son cabinet d’infirmière, ce qui fut d’autant plus
simple que les besoins de professionnels médicaux étaient importants.
Le commerce parisien fut vendu pour une somme suffisamment conséquente ce qui permit
d’acquérir une jolie propriété à l’entrée du bourg. Pendant que Marie-Ange se consacrait à sa
patientèle, Adélaïde, vivait quasi-recluse, ne se hasardant au village que rarement chargeant Justine,
son employée de maison, de faire les courses. L’après-midi, lorsque le temps était beau, elle
descendait à la plage, et, s’il faisait mauvais, elle se contentait d’une promenade sur le sentier côtier
vêtue de son imperméable marin et d’un large chapeau fixé par un élastique sous le menton sensé la
protéger du vent et de la pluie.
Marie-Ange débutait ses journées tôt le matin et les terminait tard le soir si bien qu’il était rare que
les deux femmes prennent le temps de converser en dehors ses jours de repos.
Ce ne fut que cinq jours plus tard qu’elle pensa interroger sa mère suite à son entrevue avec le
voisin du dessous d’Ernestine.
- « Maman, l’autre jour j’ai rencontré Monsieur de Kervallec qui m’a dit qu’il connaissait papa...»
- « Ah, voilà qui est surprenant, ce nom ne me dit rien, qui est ce Monsieur ?»
- « Il m’a raconté que vous seriez venu en vacances ici en 1988, je lui ai répondu que je n’étais pas
née et que je ne pouvais m’en souvenir mais il semblait y attacher de l’importance et voudrait que je
lui confirme que c’est bien exact... »
Madame Desvauchelle fut traversée par une vive et profonde émotion, mais elle se reprit
instantanément pour répondre sur un ton qu’elle tentait de rendre le plus anodin possible :
- « Oui, c’est bien ça, c’était la première fois que nous venions dans la région» avant de poursuivre,
intriguée :
- « Mais pourquoi donc veut-il que tu le lui confirmes, il t’en a donné la raison ? »
- « Non, il voulait savoir, c’est tout. Il m’a demandé des nouvelles de papa, je lui ai dit qu’il était
décédé, il a paru en être désolé… »
Adélaïde ne répondit pas. Des souvenirs la troublaient intérieurement, mais elle s’efforçait de faire
en sorte que Marie-Ange ne s’en aperçoive pas.
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