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N° 11                         LA PARISIENNE


            Elle avait eu maintes fois l'occasion d'être appelée pour des soins urgents au 32, avenue du manoir,

            5ème étage, porte gauche. Mais ce matin-là, fatiguée par une nuit d'insomnie, elle s'arrêta au 4ème
            étage, et frappa porte gauche. A peine s'était-elle aperçue de son erreur, qu'une voix résonna dans

            la pièce du fond : « Enfin ! Je vous attendais ».

            - « Désolée, je me suis trompée d’étage, je ne sais pas qui vous attendiez, lui répondit-elle, mais ce
            ne peut être moi, c’est au cinquième que j’ai rendez-vous…. »

            -  « Non, non, ne partez pas, c’est bien vous que j’attendais »  lui répondit-il d’une voix forte et
            assurée, mi-autoritaire, mi-suppliante. Après avoir hésité, elle avança dans le vestibule, lâchant la

            porte encore entre-ouverte qu’elle tenait d’une main et aperçut, assis dans un fauteuil près de la
            fenêtre un homme dont elle devinait la silhouette. La pièce était sombre en cette heure matinale. Le

            jour se levait à peine et aucune lampe n’était allumée.

            - « Mais entrez donc, ne restez pas si loin, j’ai à vous parler...»
            Marie-Ange demeurait là, debout, intriguée. Si elle n’avait pas été infirmière elle se serait enfuie,

            mais sa conscience professionnelle l’en empêchait, pourtant les nombreux rendez-vous qui
            rythmaient sa journée ne lui laissaient guère le temps de rester discuter.

            Toutefois, l’insistance avec laquelle ce vieil homme l’interpellait l’intriguait.
            - « Qu’avez-vous d’aussi important à me dire ? » lui demanda-t-elle, songeant davantage à une aide

            médicale dont il pouvait avoir besoin qu’à tout autre sujet.

            Elle s’en approcha, contournant la table de la salle à manger pour atteindre le salon où il se trouvait.
            Là, elle le vit mieux. Âgé de soixante-cinq à soixante-dix ans, il se tenait assis dans un large fauteuil

            Voltaire.
            - « Prenez un siège, asseyez-vous... »

            Elle ne le laissa pas terminer sa phrase, restant debout à ses côtés lui demanda :

            -  « Que puis-je faire pour vous ? Vous avez besoin d’un soin ? »
            - « Pas du tout, lui répondit-il, mais asseyez-vous donc, j’ai à vous parler… »

            Puisqu’il insistait, elle s’assied sur le bord du canapé et lui lança :
            - « Très bien, je vous écoute... mais faites vite...»

            - « Et bien..., voici environ un mois que je vous observe au travers de cette fenêtre lorsque vous

            venez chez ma voisine du dessus, Ernestine Trévarez... »
            - « Ah bon, ... mais pourquoi donc m’observez-vous ?»

            Il ne lui répondit pas, mais poursuivit :




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