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Dylan ne répondit pas.  Comme d’habitude. Pauline pensa  qu’il n’entendait rien, le
               casque sans doute vissé sur les oreilles depuis qu’il était rentré du collège. Comme souvent, il

               avait dû s’enfermer  dans sa chambre sous le fallacieux prétexte de faire ses  devoirs ou
               d’apprendre ses leçons. Dans ces moments-là, il ne se rendait même pas compte que sa mère

               était à la maison. Il la croyait toujours au travail.  Elle, par contre, se rendait parfaitement

               compte de ce qui se passait.
                      La patience de Pauline était à bout. La journée de travail avait été épuisante, le trajet

               de retour usant, la découverte du bulletin de son fils, éprouvante et le rythme des basses faisait
               trembler, avec  fureur,  le petit pavillon tout au fond de l’impasse des  oiseaux.    Dans cette

               impasse protégée, cachée, située  à  cinq minutes du centre-ville de  cette petite ville de
               banlieue, on se serait attendu à plus de calme.

                      Pour ne rien arranger à  cette journée maudite, Pauline ouvrit la porte sur Monsieur

               Tatillon, gendarme en retraite, qui était déjà venu deux fois sonner à la porte, sans réponse
               aucune, lui précisa-t-il. Il ajouta, assez aimablement, qu’il comprenait la jeunesse, qu’il fallait

               bien que celle-ci se passe, mais dans son regard, on lisait que pour Dylan et les oreilles des

               voisins, le plus rapidement possible serait le mieux. Pauline lui assura qu’elle allait s’occuper
               de faire revenir le silence. Elle s’apprêtait à monter les marches menant à la chambre de son

               fils lorsqu’un autre de ses voisins vint également se plaindre du niveau sonore.
                      Monsieur Voyant, astrologue,  habitait, au milieu de l’impasse,  une maison  étrange,

               biscornue, avec des murs qui partaient de travers et un toit qui penchait dangereusement. Le
               personnage se voulait mystérieux. Autour de lui planait un air de mystère et de superstition.

               Lorsqu’il vous regardait sans ciller, d’un air insistant, son regard semblait percer votre âme et

               la mettre à nu. Aussitôt, toutes les choses  dont vous n’étiez pas fier remontaient à votre
               mémoire et s’avançaient  en ordre dispersé  pour vous rappeler vos vilenies, vos silences

               coupables, vos erreurs du passé. Devant Monsieur Voyant, la quasi-totalité des personnes
               redevenaient des enfants qui venaient de voler une pièce dans le porte-monnaie de leur grand-

               mère, pour aller acheter des carambars à la boulangerie de la place après l’école. Comme tout
               le monde, Pauline le craignait sans savoir pourquoi. Elle préférait ne pas le croiser, ni dans

               l’impasse, ni ailleurs. Sa présence devant la maison, le doigt appuyé sur la sonnette, en ce jour

               de vendredi treize, ne présageait rien de bon. Pourtant, Pauline ne pouvait refuser d’ouvrir sa
               porte.

                      Monsieur Voyant se tenait sur le seuil, les yeux dans le vague, l’index gauche levé

               vers le  ciel.  Il ne  regarda pas Pauline, ne la  salua pas  comme si  elle  était  totalement
               transparente, puis prononça d’une voix forte et d’un ton sentencieux :

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