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coulées de boue. Plus personne n’empruntait cette piste depuis bien longtemps.

                  Depuis le drame qui avait touché sa famille, le vendredi 13 juillet 1990.

                    Il faisait beau ce jour-là.  Amélie venait d’avoir vingt ans.  La nature  était
                  verdoyante, fleurie, odorante. La  maison plantée sur le bout de la colline brillait

                  sous le soleil. De la fenêtre de sa chambre, elle pouvait admirer le fond de la vallée
                  et plus  encore, l’horizon sans fin. Quand  elle était  petite, son père lui disait de

                  regarder bien  au-delà des nuages,  alors elle verrait la  mer. Et il riait  en

                  l’embrassant. Amélie y croyait vraiment et pouvait rester de longs moments à fixer
                  le bleu du ciel.

                    En ce beau jour d’été, toute la famille Marchal était là pour fêtait les quatre-vingts
                  ans de Mémé Jacotte. La grand-mère paternelle d’Amélie qui, chose surprenante,

                  était née  exactement  le vendredi 13 juillet  1910. À sa naissance, des  anciens,

                  particulièrement superstitieux, avaient prédit que Jacotte ne vivrait pas longtemps.
                  Sa courte  destinée  était inscrite dans les cieux. Ils s’étaient bigrement  trompés

                  puisque la Mémé les avaient tous enterrés et devenait, sans  vergogne,  une
                  octogénaire alerte.

                   Il y avait Mariette et Pierre, les parents d’Amélie, d’Hervé et de Jeannot. L’oncle
                  Paul, frère de Pierre, sa femme Odette, ses deux enfants, Marie et Bruno. La tante

                  Jeanne, sœur cadette de Pierre, Alain, son mari et leur fille Adèle. Avec Mémé

                  Jacotte, cela faisait treize. Alors pour ne pas forcer le destin, on avait aussi invité la
                  Raymonde, cette femme sans âge qui vivait seule dans sa chaumière à l’orée de la

                  forêt.
                    On avait dressé la table sous la tonnelle qui, grâce à sa treille, apportait de la

                  fraîcheur. Recouverte de la belle nappe à carreaux, toute neuve, on y avait posé

                  les belles assiettes en porcelaine blanche ornées d’un liseré doré, les couverts en
                  argent et les verres en cristal. C’était un jour de fête et il fallait que tout soit parfait.

                  Le repas tirait à sa fin. On venait de terminer le fromage et on trinquait encore en
                  attendant le dessert. Il n’y avait autour de la table que de la joie et de la bonne

                  humeur. Mémé Jacotte, pompette, riait un peu trop fort. Amélie se souvient de son

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