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« Attention à toi mon garçon,

                      Si tu ne veux pas baisser le son,
                      Je vais te donner une bonne leçon ».



                      Une fois, cette phrase énigmatique prononcée, il tourna les talons, sans saluer Pauline,
               une fois de plus, et rentra chez lui. Interloquée, Pauline se demanda si elle avait bien entendu.

               Si les voisins se mettaient à formuler leurs réclamations en vers, où  allait-on ?  Monsieur
               Voyant ne pouvait-il pas, tout comme Monsieur Tatillon, simplement lui demander de dire à

               Dylan de baisser la musique ? Pauline haussa les épaules et préféra ne pas prendre la menace
               au sérieux, ne croyant pas aux pouvoirs du prétendu mage. Elle referma la porte et tenta une

               nouvelle fois de monter jusqu’à la chambre en se disant qu’heureusement, tous les voisins ne

               lui ressemblaient pas.
                      Elle songea à Blandine, sa voisine la plus proche qui n’aurait jamais eu l’idée de venir

               se plaindre de quoi que ce soit. Il est vrai qu’âgée de quatre-vingt-douze ans, elle n’entendait

               plus guère et mettait le son de sa télévision presque aussi fort que Dylan la musique. De toute
               manière, elle adorait Dylan qu’elle avait parfois gardé enfant, après l’école, lorsque Pauline

               était trop prise par ses occupations professionnelles.  Elle était de plus, doté d’un caractère
               agréable et s’accommodait de tout sans ronchonner contrairement à certaines personnes de sa

               génération  pour lesquelles l’exercice de la récrimination permanente était  devenu  une
               habitude.  Pour toute règle existe une exception. Blandine aimait ainsi beaucoup  reprocher

               l’état actuel de la France aux hommes politiques, qu’elle détestait cordialement, les traitant

               d’incapables, de fainéants, de bons à rien et de pilleurs de dépenses publiques.  Il est vrai
               qu’on ne pouvait pas totalement lui donner tort. Le plus souvent, cela amusait Pauline car à

               son âge avancé, Blandine se trompait souvent et reprochait à Jacques Chirac des décisions
               prises par François Mitterrand. Ainsi, elle  fustigeait régulièrement la décision du président

               corrézien d’avoir fait construire la pyramide du  Louvre. Pauline n’avait  jamais réussi à la
               convaincre que c’était François Mitterrand qui l’avait faite érigée.

                      Pauline n’était pas encore arrivée à la moitié de l’étage que Monsieur Tatillon revint

               sonner une deuxième fois. Un tic sur sa paupière droite, qui tressautait nerveusement,
               montrait qu’il était légèrement agacé. Il ronchonna qu’il était quand même de plus en plus

               fréquent que la tranquillité du quartier ne soit plus respectée depuis  que Pauline et Dylan

               avaient  emménagé dans l’impasse, une dizaine  d’années auparavant. Pauline crut  entendre
               comme un reproche dans sa voix. Venant de rentrer du travail après les heures de ménage

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