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D’abord parce que cet endroit est sacré. C’est Hervé lui-même qui, il y a trente
ans, leur a fait juré, à Jeannot et elle, de ne jamais y toucher. Ensuite parce que
ces ruines ne valent rien. Qui viendrait acheter un tas de pierres calcinées dans un
tel trou perdu ?
Amélie tartinait le pain avec un peu trop d’énergie. Le beurre débordait sur les
côtés. Elle le racla de la pointe du couteau. Ces fâcheries stériles l’agaçaient et
elle en voulait à Hervé. Elle le savait influençable et elle était sûre que l’idée ne
venait pas de lui mais de sa peste de fille. Anne avait toujours été cupide. Déjà,
quand elle n’était qu’une enfant, sa nièce négociait tout ce qu’elle faisait
moyennant quelques pièces pour remplir sa tirelire. Amélie la soupçonnait même
de piocher dans les porte-monnaie de ses parents. À maintenant vingt-huit ans,
elle travaillait dans l’immobilier et ne savait parler que d’argent, de placements et
d’investissements. Et pour parfaire le tableau, elle avait trouvé en Guillaume, son
mari, le partenaire idéal. Les deux faisaient la paire.
Elle coupa les tranches de jambon, de saucisson et de cornichons qu’elle fourra à
l’intérieur des sandwichs. Elle enveloppa le tout dans du papier alu. Comme
d’habitude, Jeannot apporterait les boissons et Hervé le fromage et le dessert.
C’était un rite immuable.
Elle regarda par la fenêtre. Un pâle rayon brillait à travers les nuages. La pluie
avait cessé et le ciel semblait se dégager. Amélie soupira d’aise. Au moins cette
fois-ci, le pique-nique ne serait pas arrosé comme l’an dernier. Car même si la
tonnelle restait un abri sûr, la pluie gâchait toujours le plaisir. Elle prit la nappe à
carreaux, quelques serviettes en papier et des verres qu’elle rangea au fond du
panier avec les casse-croûte et la salade composée.
Il était dix heures passées et il était temps qu’elle se mette en route. Il fallait une
bonne heure pour accéder au village des Roncières et encore une demie-heure
pour arriver au Combloux. La fin du trajet était assez pénible. La route étroite et
bourrée d’ornières serpentait à flanc de coteaux. Et avec les pluies torrentielles qui
s’étaient déversées depuis un mois sur la région, il risquait bien d’y avoir des
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