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battement de la roue à aubes reprenant sa course, ni aux merles chantant sur les chambranles des

            fenêtres. Mais au fait, elle ne s'est jamais interrogée sur la roue à aubes. Comme si l'aube était
            découpée en plusieurs bandes sans jamais voir le jour. Du coup, le soleil apparaissait et disparaissait

            sous un cadran métronomique.
                   Émeline en est à ce stade de réflexion qu'elle n'entend pas Michel grimper l'échelle. Il la

            trouve assise, le bas du dos courbé, les yeux rivés sur son portable éteint. Il lui donne un torchon
            pour essuyer la sueur s'engluant tout le long du front.

                   - Tu as déjà fini ?

                   - Pas grand-chose. J'ai mis de nouveaux écrous.
                   - C'est bien, ma chérie.

                   - Ça te dérange pas si je rentre ? Je commence à fatiguer.
                   - …

                   - ...
                   - Tu t'inquiètes pour lui ?

                   - J'arrive pas à m'y faire, j'ai été trop conne. J'aurais pas dû le blesser.

                   - Tu devrais l'appeler pour t'excuser. Laisse pas les heures te hanter comme ça. C'est pas bon.
            Tiens, midi sonne déjà.

                   Le clocher du village carillonne harmonieusement douze fois d'affilée. Aussitôt, Émeline se

            change au vestiaire, tout en chantonnant dans sa tête. Un air de rock. Similaire au groupe préféré de
            Jordan. Dehors, la pluie s'est arrêtée. Tout luit à ses pieds, même sous le soleil. Le bitume, le

            gravillon et le canal perdu au cœur de l'écluse. Peut-être le temps s'est-il calmé des deux versants,
            alors que la prédilection est imminente. Jusque là, le bourg semblait demeurer désert, cependant le

            vie revient à petits feux. Michel est le premier à le constater, en fermant à clé la porte du moulin. Un
            brouhaha se profile de toutes parts.

                   Après avoir embrassé le vieux meunier, la jeune en herbe regagne l'écluse, Jordan

            obnubilant le reste de ses pensées. Cette fois, elle se décide à l'appeler. Mais elle a peur de lui
            demander des excuses, une fois son signal reçu. Sauf que son appareil brise l'élan en vibrant de

            premier abord.
                   Un texto.

                   Le message est bref. Il est bien sur les lieux du concert mais patiente à la terrasse d'un café,
            dans la même rue que la salle. Émeline soupire de lassitude. Pourtant, elle n'a rien à se reprocher, ni

            à soumettre. Pour elle, il n'y a que les débuts que l'on juge entraînants. Telle une enfant en quête de

            nouveaux repères sans pour autant quitter les souvenirs innés en une conscience innocente.



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