Page 38 - tmp
P. 38
« Non, mais vous êtes complètement cinglé ! » s'écria-t-elle en se dressant sur son
siège.
Moby Dick cherchait-il un océan ?
« Excusez-moi, j'ai perdu....
-Espèce de barjot, poussez-vous ! hurla-t-elle en essayant de l'enjamber, j'ai besoin d’air.
» Le cétacé, penaud, n’eut pas le temps de s’expliquer davantage.
Rebecca parvint à s'extraire de sa place et en profita au passage pour écraser la hanche à
découvert du spéléologue baleine. La bête, meurtrie, lâcha un vif « Salope ! » mais
Rebecca était déjà en train de valser entre les fauteuils en direction d'un autre wagon. Elle
oubliait sa victime en pensant pour elle-même : « Il faut que je m'enfile un truc, ça peut
plus durer. »
Au wagon-restaurant il n'y avait pas foule. Le préposé au service, un étudiant en intérim,
feuilletait un Playboy en douce, à peine caché par la pile de crackers en sachets. Rebecca
prit un malin plaisir à hausser la voix :
« Y vous reste des Duo emmenthal-jambon blanc ? »
Elle fit sursauter le serveur qui planqua à la hâte son magazine.
« Euh...oui, bredouilla-t-il. Vous..vous voulez une...boi..boisson avec ? »
Rebecca, en pleine période de vengeance, attarda son regard sur le jeune homme avant
de répondre. Elle fit de chaque seconde un supplice pour son interlocuteur. Elle voulait
qu'il sache lui aussi qu'à partir d’aujourd'hui c'était elle la dominatrice du jeu homme-
femme : « Donnez-moi une 1664, fit-elle en posant un billet de 50 Euros sur le comptoir.
»
Le garçon s'exécuta. Soumis, il disposa la commande et rendit à sa maîtresse la monnaie.
Rebecca s'éloigna puis s'installa sur un tabouret de bar, face à la baie vitrée. La sensation
de fraîcheur dégagée par la bière lui faisait du bien. Elle serra sa cannette comme elle
aurait tenu un sceptre. Il lui fallait des moments comme ça, des petites victoires. C'est ce
qui lui permettrait de tenir le coup dans sa révolution.
Rebecca avait rencontré Armand en 2010, au lycée. Le beau musicien de la
terminale scientifique ne la regardait pas souvent quand elle passait devant lui.
Quoiqu’elle n’ait pas manqué de savoir qu’il faisait tant chavirer les mijaurées du bahut, à
vrai dire, Rebecca non plus ne pensait pas trop à lui. Ils faisaient leur scolarité chacun de
leur côté. Elle était en classe de Première et gardait davantage à l’esprit les examens de
fin d’année. Les garçons ne l’intéressaient pas plus que ça, contrairement à la plupart des
4