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filles de son âge. En fait, Rebecca marquait déjà sa différence. Ses centres d’intérêt
étaient plutôt le sport, la littérature asiatique du XXI°, et la musique. C’est à cause de
cette dernière passion que Rebecca et Armand avaient fini par vraiment se croiser. Il jouait
régulièrement le week end, sur la scène du bar-boîte tendance de l’époque : Le Panda.
Armand était le guitariste des Melancholic Animals. La formation connaissait un succès
croissant depuis leur premier concert, le jour de l’an de l’année 2009. Armand et ses trois
copains remplissaient maintenant les salles de la région sans problème. Les Melancholic
reprenaient des balades rock connues mais proposaient aussi leurs propres titres. A girl
behind you, un de leur dernier, tournait en boucle dans les MP3 des filles du lycée. La
bande avait ses fans : des lycéens, des mères au foyer, des étudiants et des fidèles plus
âgés. Les Melancholic, bien entendu, tenaient à jour leur page Facebook et faisaient tout
pour exister sur la toile. Pour les admirateurs comme pour le groupe, la notoriété ne ferait
aucun doute : l’attente d’un article dans Les Inrock' devenait de plus en plus fiévreuse.
Rebecca ne fréquentait pas assidûment Le Panda, quant aux Melancholic elle avait eu
l’occasion de les entendre une fois mais ça n’avait pas été pour elle une révélation.
D’ailleurs, elle trouvait que le chanteur manquait de coffre. La jeune lycéenne pouvait se
permettre de critiquer le copain d’Armand car elle connaissait la chanson. Dès l’âge de
huit ans, elle avait suivi des cours de chant. Elle avait participé à plusieurs chorales, celles
de ses écoles, celle de la ville et même la chorale professionnelle de l’entreprise familiale.
Son père, M. Bronzino, en amateur passionné, avait créé dans sa propre boîte un groupe
de chant. Sa fille y avait été intégrée, malgré elle évidemment. Admirateur de la première
heure, son père n’avait jamais manqué, à chaque fois qu’elle chantait, de comparer sa fille
à Nina Simone. D’après lui, elle tenait cette voix d’une grande-tante de New-York : Lucie,
une des sœurs du grand-père Bronzino. La tata Lucie, dans sa jeunesse, avait en effet
remporté de nombreux concours de chant. On dit même que sa réputation avait couru
dans plusieurs états. Mais en 1945 sa carrière avait tourné court à partir du moment où
une célèbre radio américaine lui avait proposé de devenir speakerine. Son mari n'était pas
revenu de la guerre, deux enfants lui restaient sur les bras. Comment refuser alors une
paye qui valait les cachets de plusieurs tournées, la fatigue en moins. Pendant quelques
années, pour le plus grand plaisir du directeur des programmes, Lucie régalait les
auditeurs de ses belles intonations. Malgré la banalité des propos, les fidèles suivaient
leur idole, espérant toujours le retour de leur vedette sur la scène. Mais la voix de tata
Lucie s’éteignait peu à peu, elle ne poussait plus vraiment la chansonnette, sinon pour
consoler ses enfants le dimanche. L’envie de chanter en public diminuait, le chagrin de
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