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neuropsychiatre à l’hôpital de Vienne ; Oskar Rheinhardt, inspecteur de police à
Vienne. Veuillez nous excuser, chers confrères, pour nos deux minutes de retard ». Ces
noms, que je connaissais également, achevèrent de me troubler.
Lorsque je revins avec les boissons souhaitées, sans oublier le Kummel et le Kirsch des
derniers arrivés, les convives avaient pris place autour de la table ovale.
« Nous n’attendons plus que les quatre français et l’américain », releva le Docteur
Watson. Avec malice, le petit homme à tête d’œuf cita le proverbe “mieux vaut arriver
en retard qu’en corbillard”.
Avec une parfaite synchronisation, deux couples déboulèrent à vingt heures vingt
précises au bar où je les attendais. Un peu confus, ils commandèrent trois bouteilles de
Spoum Gwin Gwenn moelleux de l’année 2012, puis ils me demandèrent de les précéder
au petit salon afin de les annoncer.
Derrière la porte, la table discutait avec animation du docteur Freud que son confrère
viennois avait maintes fois rencontré. Lorsque j’annonçais les retardataires, « Mesdames
Marie Lester et Elma Béranger accompagnées de Messieurs Maxime Moreau et Arsène
Barbaluc », les convives se levèrent pour les applaudir. A mon avis, cet aimable accueil
fut provoqué tant par la vue des bouteilles offertes, que par la perspective d’entamer
enfin le dîner. Chacun ayant pris une place à table, je servais le vin pétillant. La
délicieuse Miss Marple me laissa même ingénument remplir son verre sans protester.
Lorsque chacun eut contemplé les bulles irisées qui tourbillonnaient dans le nectar jaune
pâle aux reflets verts, délicatement fruité et épicé, le petit homme se leva. « Mes chers
amis, foi de Poirot, le quart d’heure de courtoisie est à présent très largement dépassé.
Philip Marlowe ne viendra certainement plus ce soir. Je ne peux que déplorer la
décontraction toute américaine avec laquelle il nous fait faux bond une fois de plus.
Nous pouvons à présent entamer notre dîner mais auparavant, je vous propose de
porter un toast en l’honneur de nos créateurs respectifs ! ».
Avant d’apporter les noix de Saint-Jacques, je voulus ôter le treizième couvert mais les
convives m’en dissuadèrent, afin dirent-ils, « de faire honte à leur compagnon absent ».
Les présents firent ensuite gaiement honneur au repas.
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