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intérieure où l’air pur leur permit de retenir les spasmes qui soulevaient leur estomac,
menaçant de leur faire rendre tripes et boyaux. Les pompiers, appelés en urgence,
ne purent que constater le décès de la vieille dame, dont le corps, en état de
putréfaction avancée, gisait allongé derrière la porte. La police du quartier, à son tour
prévenue, fit intervenir l’équipe de la scientifique qui analysa de la scène pour
déterminer les causes du décès. Malgré l’odeur repoussante qui stagnait dans
l’immeuble, plusieurs curieux se massaient dans l’escalier, certains immortalisant
l’évènement par des selfies macabres qui viendraient agrémenter leurs comptes sur
les réseaux sociaux. Un des agents de police, blasé par les travers de la nature
humaine, les fit reculer jusqu’au palier suivant.
De retour au commissariat, l’inspecteur chargé de l’enquête fit l’inventaire des objets
recueillis sur la victime et dans le hall d’entrée de l’appartement. Ouvrant son sac à
main, il en sortit un portefeuille craquelé. La carte d’identité qu’il contenait lui apprit le
nom d’Angèle. Avisant un reçu de la loterie nationale, il renseigna par curiosité les
numéros sur le site internet de la société. Son coéquipier leva les yeux vers
l’inspecteur quand il l’entendit pousser une bordée de jurons. Brandissant le reçu,
celui-ci s’exclama :
- « Le gros lot, elle avait gagné le gros lot ! »
Les obsèques d’Angèle furent organisées par la municipalité, comme la loi le prévoit
pour les personnes seules. Ayant dépassé la date de validité des trois mois, son
ticket de loto ne put être encaissé. Après une enquête diligentée par un notaire, son
appartement fut vendu et la somme répartie entre plusieurs héritiers dont aucun
n’avait jamais entendu parler d’Angèle.
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