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Elle sortit son Navigo,  avança. La lumière du sas passa au rouge, le tourniquet se

                  bloqua. Elle essaya de nouveau, sans succès. « Mais qu’est-ce qu’il a

                  aujourd’hui ? Merde, merde !» s’énerva-t-elle. Derrière elle, les gens s’impatientaient.
                  Elle se retira de la file, sortit de son sac son portefeuille, chercha un ticket.

                  Souleymane la rejoignit tandis qu’elle fulminait.
                  - Eva ? Mais qu’est-ce que tu fais là ? C’est pas ton heure !

                  La brusquerie joyeuse de son voisin la fit sursauter. Son sac tomba et répandit son

                  contenu au sol.
                  - Oh non, merde, Souleymane ! Tu fais chier !

                  - Pardon, Eva ! s’excusa-t-il, surpris par cette rare agressivité.
                  Ils se baissèrent pour ramasser les affaires  en hâte. Souleymane l’aida  en silence.  Il

                  s’aperçut des mains fébriles, des lèvres qui tremblaient, des yeux humides. Une fois les

                  portiques franchis, sur le quai, elle regarda le panneau d’affichage  -  dix minutes de
                  retard - entendit l’annonce : « Suite à un bagage abandonné… ». Elle se recula, s’assit

                  sur un siège, regarda,  blême, le trou béant du tunnel, secoua la tête. Souleymane
                  s’accroupit devant elle, lui posa la main sur l’épaule.

                  - Qu’est-ce qui se passe, Eva ? Qu’est-ce qui t’arrive ? T’as des tracas ?
                  - Catastrophiques, oui.

                  Elle lui expliqua, le rendez-vous, l’accumulation des contretemps…Le train arriva

                  enfin.
                  Dans les chaos bruyants de la trame et la promiscuité, Souleymane tenta de la rassurer.

                  - Allez Eva, t’inquiète pas. Dans ma boîte, c’est pareil en ce moment, et tu vois, je suis
                  toujours là. Pour toi, ce sera pareil.

                  -  Raye-moi de  la liste.  Non, pas pour moi.  En  plus, tout va de travers aujourd’hui.
                  Aucune raison que ça stoppe.

                  - Optimiste, tu dois être. Sois pas superstitieuse. A quelle heure tu termines ?

                  Elle sourit, poursuivant, amère et triste, leur jeu de mots, comme pour se maintenir à
                  flot sans une journée qui allait à vau-l’eau.

                  - Inerte à 18 h, si on me laisse finir ma journée.

                  - Néglige cette hypothèse. Très bien, je t’attendrai.
                  -  Drès gentil, mais non ; t’embête pas. Tu  finis tôt, toi. Qu’est-ce que tu  vas faire

                  pendant deux heures ?




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