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Avait-elle entendu quelque chose ? Elle s’avança prudemment jusqu’à la porte et
colla son oreille contre le battant. Plus aucun bruit. Elle souleva lentement le cache
de l’œilleton, tendue, inquiète et observa longuement le palier vide devant elle.
- « Non, j’ai dû rêver » se dit-elle pour se rassurer.
Tandis qu’elle se reculait un peu, le tintement se fit à nouveau entendre. A la limite
de l’audition, le bruit était léger, comme celui d’un grelot. Elle se tétanisa, figée à
moins d’un mètre du chambranle, le cœur battant la chamade. Elle était tiraillée entre
son instinct de survie qui lui criait de reculer jusqu’au salon, de se mettre en sécurité
et son désir de savoir qui lui suggérait de regarder dans le couloir. Le temps s’arrêta.
Elle n’entendait plus rien d’autre que les pulsations de ses ventricules. Sa bouche
entrouverte était sèche. Sa vue se troubla. Au final, la curiosité l’emporta. Allongeant
le bras, elle posa sa main sur la poignée, l’abaissa très lentement et tira la porte vers
elle, suffisamment pour voir ce qui se passait dehors. Son sang se glaça.
Assis sur le paillasson, le chat noir la fixait de ses yeux cuivrés fendus de noir. Il leva
sa patte, la tendit vers elle puis la lécha et la passa derrière son oreille. Il
recommença et recommença, encore et encore. Elle se pétrifia, tétanisée, ses
jambes ne lui obéissaient plus. Fébrilement elle chercha le chapelet dans la poche
droite de son manteau mais celui-ci, pendu derrière elle, était hors de portée.
Totalement démunie, sans rien pour la protéger du sortilège, Angèle perçut un
gémissement d’impuissance naître au plus profond de son corps, enfler et remplir sa
gorge avant de jaillir de son corps. Elle sentit son âme se liquéfier, ses sphincters se
relâcher et ses jambes l’abandonner. Dans un ultime sursaut salutaire, elle repoussa
la porte qui se ferma dans un claquement lugubre tandis qu’elle s’écroulait
lourdement sur le sol dans un bruit mat, les deux mains crispées sur sa médaille de
Saint-Christophe.
Son corps fût retrouvé plusieurs mois plus tard. L’odeur pestilentielle qui envahissait
lentement la cage d’escalier avait fini par incommoder les locataires intermittents qui
signalèrent ce désagrément sur le site ad-hoc. Soucieux de préserver leur notation,
les différents propriétaires alertèrent le syndic qui finit par dépêcher un de ses
employés. Celui-ci ayant confirmé l’odeur fétide, la procédure prévue par le
règlement de l’immeuble fût déclenchée. Un serrurier intervint rapidement,
accompagné du responsable de l’agence. Une fois la porte ouverte, la puanteur leur
sauta à la gorge, les obligeant à redescendre précipitamment jusqu’à la cour
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