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« Pourquoi elle se marre elle ? Enragea le conducteur.
               — Parce que t’es le dernier des abrutis, voilà pourquoi ! »
               Fou de rage, il stoppa la voiture  et descendit pour aller la rosser. L’autre tenta bien de l’en
            dissuader, mais sa pulsion était plus forte. Et alors qu’elle allait ramasser une volée de coups dans
            les cotes, des lueurs bleutées illuminèrent le plafond de l’habitacle. Il les vit aussi, mais son orgueil
            était bien plus atteint que son instinct de survie. En à peine quinze secondes, l’assaillant se retrouva
            avec trois flics sur le dos, tandis que l’autre fut stoppé cinquante mètres plus loin. Comprimé par
            deux malabars en uniforme sur le capot d’une  estafette, il hurlait qu’on  donne du mou dans ses
            menottes, des cris de douleurs qui ressemblaient fortement à ceux du premier, maîtrisé au sol par
            trois autres fonctionnaires.
               On aida Albane à sortir du véhicule tout en la rassurant. Choquée, mais indemne, elle demanda
            qu’on la dépose à son domicile pour prévenir Clément de sa mésaventure et des auditions qu’elle
            allait devoir mener au poste au cours de la matinée. En chemin, elle apprit par les policiers que ses
            ravisseurs étaient deux cambrioleurs ayant mis en fuite l’occupante d’un appartement qui avait pu
            les prévenir.
               En passant devant une affiche publicitaire annonçant la super cagnotte du jour, l’un des policiers
            demanda à Albane si elle allait tenter sa chance, ce à quoi elle répondit dans un soupir :
               « Vous avez  face à vous la preuve vivante que le vendredi 13 peut être  un jour maudit pour
            certaines personnes.
               — Vous venez pourtant de réchapper à une rude épreuve.
               — J’aurais très bien pu ne pas tomber sur ces fêlés…
               — …et nous ne les aurions peut-être pas attrapés, imaginez alors ce qu’ils auraient pu faire à
            cette femme qu’ils poursuivaient.
               Elle resta songeuse un moment en regardant par la vitre le jour investir les rues. Si le coup reçu
            ne la faisait pas vraiment souffrir, son traumatisme émotionnel serait le plus long à cicatriser. Mais
            elle était sauve. Et si c’était justement ça, avoir de la chance ? Car la chance seule n’a aucune saveur.
            On ne saurait y goutter avec appétit qu’après avoir enchaîné les coups du sort, comme la cerise sur
            le pain noir. La chance est une lumière qui ne peut être vue que dans l’obscurité, tout n’est qu’une
            affaire de contraste.
               Alors à bien y réfléchir, chance ou pas, cette issue était la meilleure possible et Albane comprit
            qu’elle aurait à présent un peu moins de raisons d’être superstitieuse.

               La voiture se stoppa au pied de son immeuble, et alors que la pluie avait définitivement cessé,
            Albane vit Marius sagement assis devant la porte, attendant de pouvoir remonter  au sec pour
            terminer cette nuit brièvement interrompue par une envie pressante de zoner en solitaire.
               Tout sourire, elle se tourna alors vers le policier.
               « La voilà ma super cagnotte ! »























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