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Elle se perdait dans d’agréables rêveries, le soleil printanier la réchauffant
doucement, quand elle reçut un sms de son père : « TU M’APPELLES DES QUE TU
PEUX. » Elle sentit l’angoisse monter. La dernière fois qu’il lui avait envoyé ce type
de message, c’était pour lui annoncer un décès. Elle s’empressa de toucher du bois
– celui du banc – et fit tomber son sandwich par la même occasion. Fébrile, elle se
hâta de téléphoner : pas de réponse. Panique ! Il finit par répondre à la cinquième
tentative : pour le déjeuner, le dimanche suivant, préférait-elle une tarte aux fraises
ou une forêt noire ? Cette fois-ci, c’est l’appareil qui lui tomba des mains.
Le reste de sa journée de travail se poursuivit sans encombres. « Finalement,
il ne s’est rien passé de si fâcheux, ce vendredi 13 », se dit-elle, soulagée, en
rejoignant sa voiture. C’est donc le cœur léger qu’elle prit le chemin du retour. Un
coup d’œil à la médaille de Saint Christophe dans le vide-poche acheva de la
réconforter. Et pourtant, malgré sa conduite parfaitement prudente, elle ne tarda pas
à heurter quelque chose. Sous le choc, elle mit un moment à retrouver ses esprits.
Allait-elle bien ? Oui. La voiture était-elle abîmée ? Apparemment pas. Alors qu’elle
s’apprêtait à redémarrer, elle aperçut un chien couché sur le bas-côté. « Mon dieu, je
l’ai tué ! » Catastrophée, elle regarda autour d’elle, vit le néon « SPA », prit le chien
dans ses bras – tant pis pour son manteau – et courut aussi vite qu’elle put. Pourtant,
il n’y avait qu’une chose qu’elle craignait encore plus que les vendredis 13 : les
animaux.
A l’accueil du refuge, le chien fut immédiatement reconnu : il s’agissait de l’un
des pensionnaires qui s’était sauvé la veille. Heureusement, le vétérinaire put
l’examiner et son rapport fut rassurant. Elle s’apprêtait à repartir quand elle entendit
un tout petit « mii… miii… miiii... » insistant. Elle regarda à gauche, à droite, rien.
Devant elle, derrière elle, rien. En haut, en bas… un tout petit chat ! Noir... Agrippé à
ses lacets, il l’implorait du regard. Il glissa, essaya tant bien que mal de se rattraper
en lacérant le vernis de la chaussure avec ses jeunes griffes. « C’est formidable, on
dirait qu’il vous a adoptée », sourit l’employé de l’accueil. Elle poussa un grognement
pour toute réponse. Le chaton avait quant à lui entrepris d’escalader la jambe de son
pantalon. Elle le saisit sans ménagement ; à sa grande surprise, il se mit aussitôt à
lui lécher la main. C’était chaud et râpeux. C’était adorablement dégoûtant.
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