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comprendre ce qui lui arrivait. C’était tellement surréaliste qu’il lui fallut quelques instants avant
            d’en arriver à la conclusion qu’elle venait de se faire kidnapper. Par ailleurs, la voiture roulait si vite,
            que l’idée de vérifier si la portière était verrouillée ou non lui traversa à peine l’esprit. Sauter d’une
            voiture lancée n’était clairement pas une option viable à ses yeux, et bien évidemment, elle n’avait
            pas pris son téléphone pour une sortie de deux minutes. Sa disparition ne serait pas remarquée avant
            le réveil de Clément, soit une bonne heure minimum.

               Son ravisseur, puisque c’est comme ça qu’il convenait désormais de l’appeler, roula à peine deux
            ou trois minutes, fit de sévères embardées, et se stationna dans une ruelle sombre.
               « Qu’est-ce que vous allez me faire ? Osa-t-elle enfin demander.
               — Ta gueule ! »
               Son angoisse n’en finissait pas de grandir, mais elle restait tout de même très inquiète pour
            Marius. Était-il à l’origine de ce rapt ? Cette hypothèse semblait totalement absurde, mais c’était la
            seule un tantinet crédible à ses yeux. En admettant par exemple que ce type ait été charcutier, et que
            Mariol en passant devant sa boutique lui ait piqué un chapelet de saucisses, le scénario typique
            d’une bande dessinée pour enfants. Certes la réaction pourrait paraître  un poil disproportionnée,
            mais allez savoir ce qu’il y a dans la tête des gens. De toute façon, quelle qu’ait pu être la raison
            pour laquelle cet inconnu l’avait à moitié assommée puis décidé de la séquestrer, elle savait qu’elle
            ne tarderait pas à en découvrir le fin mot.
               Il coupa le moteur, puis vint la cueillir avec toujours cette même vigueur presque caricaturale.
               « Alors comme ça on veut courir ?
               — Pardon ?
               — Ta gueule !
               — M’enfin, je ne compr…
               — Ferme-la j’ai dit ! »
               Cette fois, il la poussa dans le dos pour l’emmener dans une espèce de petit jardin public plongé
            dans l’obscurité. Bousculée de la sorte sur plusieurs mètres, elle se retrouva soudain nez-à-nez avec
            un type encapuchonné qui l’attrapa par le bras.
               « Où tu croyais aller comme ça toi ? »
               Si le premier lui avait donné l’impression de n’être qu’un bourrin très nerveux, celui-ci était
            beaucoup plus menaçant. Ses yeux clairs la transperçaient avec une gravité froide et très
            convaincante.
               « Mais vous voulez quoi ? Dit-elle en commençant à larmoyer.
               — On n’aime pas trop tomber sur des athlètes.
               — Comment ça ? »
               Lunaire ! Ces deux malabars jouaient-ils à traquer les joggeurs matinaux dans le seul but de les
            dérouiller ? Sur quels dégénérés était-elle tombée ? Le second fit alors souffler ses deux naseaux.
               « Vide tes poches. »
               Elle lui tendit son trousseau de clés.
               « Portable !
               — Je ne l’ai pas sur moi, et je n’ai pas mon portefeuille non plus, vous pouvez me fouiller.
               — Tu es bien certaine de ne pas avoir de téléphone ? Si j’en trouve un, tu vas comprendre ta
            douleur ! »
               Cette fois elle se mit à pleurer pour de bon.
               « Non je vous jure que je ne l’ai pas pris ! »
               Tout en la palpant, le type se tourna vers son acolyte avec une légère inquiétude dans le regard.
               « Va vite voir s’il n’est pas dans la bagnole, grouille ! »
               Puis, lui secouant énergiquement le bras :




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