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N° 18                       TEMPÊTE DE DIAMANTS



                     Il pleuvait ce jour-là lorsqu’elle s’est levée « Ah ! au fait quel jour sommes-nous ? »
                  se dit-elle. « Vendredi 13 ?! Zut ! » Elle n’aimait pas les vendredis 13 qui lui réservaient

                  toujours des surprises.
                     Une drôle pluie commença, avec des gouttes dures comme des diamants. Là où elles

                  frappaient, elles laissaient leur marque.

                     Les fenêtres étaient brisées, les dalles légères des toits, les parapluies étaient percés
                  comme des passoires, les toits des voitures ressemblaient à d’énormes dés à coudre.

                     Un vent violent se leva, qui souleva de tous côtés les fragments de tout ce qui avait
                  composé la ville. Des feuilles de cahiers et des registres fiscaux volaient, comme des

                  cerfs-volants, en énormes tornades, soulevées du sol jusqu’aux nuages menaçants.

                     C’était comme la fin du monde.
                     Au moment du réveil,  tout le monde apparut  bouleversé: chaque couleur s’était

                  tournée dans sa complémentaire. Le  ciel était devenu jaune pâle, les gens avaient la
                  peau cyanotique, l’herbe avait viré au rouge foncé. Deux rats se regardaient effrayés de

                  voir leurs manteaux presque fluorescents.  Ils semblaient tirés au néon.  Une abeille à
                  rayures blanc violet volait en flottant, comme folle. L’eau dans la rizière reflétait le ciel,

                  couleur  sabayon. Une grenouille rouge  feu regarda vers un moustique, blanchâtre

                  comme la cendre d’une cigarette. Elle réagit instinctivement, allongea sa langue et
                  l’attrapa.  Le goût  était  bon, comme celui d’un  bon moustique. Le batracien  comprit

                  qu’il devait garder un oeil d’attention pour les  petites créatures volantes de couleur
                  blanche, qui n’avaient pas de ressemblance avec les insectes qu’on pouvait repérer à la

                  veille, mais qui étaient tout de même passables, puisqu’elles bougeaient de la même
                  façon et qu’elles avaient le même goût. Même la grenouille, cependant, bien qu’elle fût

                  virée au rouge, apparut également comme un bon repas au corbeau blanc, qui descendit

                  promptement pour la dévorer.
                     La jeune Sophie s’était réveillée en sursaut. Quelques semaines avant, elle avait peint

                  sa chambre en rose et maintenant elle la voyait verdâtre, d’une teinte un peu meurtrie,

                  dans la lumière du matin. Elle se frotta les yeux, mais l’effet ne changeait pas. En allant
                  dans la cuisine pour se faire du café, elle put constater que toutes les plantes de son

                  appartement avaient viré au rouge. La cafetière était opaque, foncée, presque noire,




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