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On nous y voyait tête contre tête. Rien de compromettant en soi. Seulement la trace d’un
rapprochement qu’on ne voulait pas ébruiter. Heureusement, la photo n’alla pas plus loin !
Quelques jours plus tard, Jonathan me remercia de lui avoir fait livrer une pizza et de lui avoir
pris rendez-vous chez le dentiste. Manifestement quelqu’un jouait avec mes nerfs ! S’agissait-
il d’une blague ou cherchait-on réellement à me nuire ?
Repassant en tête tous les instants où j’avais déposé mon téléphone, je n’en comptais que
deux. Le moment où j’avais quitté le cours pour aller aux toilettes et le soir avant de
m’endormir. J’interrogeai donc Grace pour savoir si quelqu’un s’était servi de mon portable
en mon absence et ma mère pour vérifier qu’un intrus ne se soit immiscé chez nous. Rien
d’anormal en apparence!...
On ne peut pas en dire autant de la pandémie. Non seulement elle engendra un climat de
peur et de suspicion mais elle changea complètement nos modes d’échanges. Avec la
fermeture des magasins dits « non essentiels », des salles de sport, des écoles, des fêtes de
village… nous fûmes réduits à passer de l’ordi au portable, du portable au smartphone, du
smartphone à la console. Successivement puis en boucle. Je ne voyais plus ni mes copines ni
Jonathan.
Tandis que nous suivions le cours de géo à distance, un élève étranger voulut se joindre au
groupe, un certain Maxime. Le prof, un remplaçant Covid, accepta machinalement son entrée.
Et d’un clic, je vis apparaître un tissu d’injures et de fausses rumeurs me concernant. Les
autres filles réagirent instantanément en prenant ma défense tandis que certains garçons
commençaient à me vanner… Jonathan ne réagit pas, et ce fut le plus décevant pour moi !
Grace en revanche me consola, en me persuadant que le Maxime en question était un homme
de paille et que derrière se cachait certainement une de mes amies, la meilleure sans doute :
jalouse de ma beauté, de ma popularité et de mes amours avec Jonathan.
— Comment es-tu au courant qu’entre Jonathan et moi il s’est passé quelque chose ?
— Parce que j’ai reçu ton selfy, finit-elle par avouer !
Ce n’était donc ni un hasard ni une blague ! Quelqu’un s’ingéniait bel et bien à tisser une
toile autour de moi ou tout autour de Jonathan et moi. Mais je me posais sans doute mal la
question. C’est en répondant à Jonathan que le déclic se fit :
« La photo, la pizza, le rendez-vous chez le dentiste et à présent les textos… Et tu dis que

