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- Joe -
Il connaît Julien ?
— Vous vous intéressez à la montagne ?
— Excusez-moi, je suis curieuse.
— Il n’y a pas de mal, vous vous intéressez à la montagne ?
— Euh, oui, non, enfin oui un peu.
— On ne s’est même pas salués : bonjour, je m’appelle Pierre, Pierre Vaillant.
— Bonjour, moi c’est Mathilde ».
Elle ne comprenait pas pourquoi Joe avait changé de prénom, sûrement un stratagème.
— Vous, vous vous intéressez à la montagne, je vois.
— Oui, je suis guide de montagne depuis bientôt 30 ans. Mais j’ai toujours travaillé à
l’étranger et aujourd’hui je voudrais retourner dans la région PACA, celle de mon enfance.
Mais ce n’est pas si facile, car les lois sont différentes selon les pays. En Autriche où j’ai
longtemps travaillé, ce ne sont que des emplois précaires. Ici, on peut avoir un CDI et
travailler toute l’année, été comme hiver. Avec l’âge, c’est plus sécurisant.
Mathilde n’en croyait pas ses oreilles. Il continua :
— Ce matin, j’ai rencontré un gars qui gère tous les guides de la région, il en recherche
trois pour cet été. Il m’a donné ce bouquin qu’il a écrit sur le métier, c’est intéressant. Il faut
que je le rappelle mardi pour connaître sa décision. Je pense que j’ai fait bonne impression
lors de l’entretien, mais pour une embauche, on ne sait jamais.
— Vous avez toujours été guide ?
— Je ne sais faire que ça. La montagne, c’est ma vie. Dès que je suis en ville, je déprime.
— Quand même, il y a de belles villes. Tenez, Aix-en-Provence, par exemple.
— Aix, oui je connais, mais je n’y ai pas de bons souvenirs.
— Excusez-moi, je ne voulais pas évoquer de mauvais souvenirs.
— Ne vous inquiétez pas, ça fait plus de trois ans, je commence à oublier !
Mathilde se confortait dans son idée : de mauvais souvenirs, plus de trois ans, ça collait.
Elle prétexta que le soleil la gênait pour venir s’asseoir en face de lui et mieux voir son
visage.
— Et vous, vous habitez dans le coin ?
— À Aix, justement, je m’y sens bien.
— Et c’est indiscret de vous demander ce que vous faites dans la vie ?
Elle était décontenancée par la question, mais décida de faire face. De toute façon, il
n’allait pas se jeter sur elle dans ce wagon.
— Je travaille au tribunal, je suis présidente de la cour d’assises.
Son interlocuteur ne réagissait pas, il semblait même intéressé.
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