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N° 8
ET SOUDAIN...
Elle attendait sur le quai. Elle repensait aux derniers jours passés
avec celles qu’elle avait considérées comme des amies. Un malaise
persistait en elle. Ses pensées furent interrompues par l’arrivée du train.
La porte s’ouvrit, elle mit un pied sur la première marche , leva la tête et
s’arrêta brusquement.
Un instant elle hésita à pénétrer dans le wagon. Dans un sursaut elle
redescendit la marche qu’elle venait de monter. La vérité s’imposa. Il lui fallait
agir au plus vite. Sur le quai, réajustant son sac à dos, inquiète, elle se dit :
« et si je me me trompais? » Un oiseau égaré passa tellement près de sa tête
qu’il frôla ses cheveux. Les plumes noirâtres de son ventre, lui procurèrent
presque un mal-être, il disparut en un éclair...
Elle avait espéré que ces quelques jours lui seraient profitables, car,
l’avancée de son livre lui donnait du fil à retordre. Souhaitant relire jusqu’à
plus soif les chapitres écrits depuis des semaines, il lui manquait des éléments
pour continuer. L’histoire qu’elle y racontait s’était déroulée voici près de trois
ans. La disparition d’un homme âgé de quarante ans avait eu lieu dans la
région, les coupures de journaux, les informations à la télévision en
attestaient. Une sorte de curiosité l’avait conduite précédemment de Brest à
Douarnenez, sans succès. Persévérante, elle se sentait comme investie par
cette histoire jamais élucidée. Virginie construisait pas à pas son roman
basé autour ce fait divers. Elle avait besoin, d’un minimum de matière, à
défaut d’une découverte majeure. Auteure de nouvelles et de romans, sa
bibliographie déjà conséquente ne lui apportait pas la reconnaissance à
laquelle elle aspirait. La jeune femme s’essayait au genre policier, c’était
nouveau pour elle.
Quatre jours plus tôt, à son arrivée sur l’île de Groix, elle avait rencontré
deux femmes, âgées d’une trentaine d’années, discutant et blaguant avec le
marchand de journaux sur l’unique place de la bourgade. Elles lui adressèrent
la parole, lui avouant qu’une nouvelle arrivante sur l’île un mardi hors saison,
les intriguait, car les touristes débarquaient plutôt le samedi .
Surprenantes avec leurs chapeaux usés de trop de soleil, leurs jeans
délavés, le teint bronzé, elles lui proposèrent de s’asseoir à une table en
terrasse pour boire un café. Acquiesçant, Virginie fut immédiatement happée
par leurs questions. Julie et Antoinette l’avaient reconnue, l’ayant vu sur
YouTube au cours d’une revue littéraire ! D’ailleurs leur intention était de lire
le bouquin qu’elle avait présenté, mais la librairie ayant pris la commande
n’ouvrait que fin de semaine, il fallait patienter !

