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-  Vous entendez ce qu’elle a dit ? Rangez donc ces tissus défraichis et donnez-

                      moi  celui-là  ainsi  que  cette  dentelle  et  ces  ornements.  Il  faut  tout  vous
                      apprendre, c’est insensé !


                   Sur  le  chemin  du  retour,  les  quatre  femmes  devisèrent  longuement.  Madame
               Senelonge proposa à Gisèle qu’elle réalise la robe et lui offrit de la payer à un tarif

               excessif. Lorsque la jeune fille le lui fit remarquer, Madame Senelonge éclata de rire
               et l’affaire fût ainsi conclue. Gisèle passa chacune des dernières matinées du séjour à

               prendre des mesures, à confectionner un patron et à préparer les pièces de la robe

               qu’elle coudrait ensuite à son retour à Liévin. Elle continua, les après-midi, à partager
               avec les jumelles des moments heureux, d’une sincère complicité, qui renforcèrent

               l’amitié  des  trois  jeunes  filles.  La  fin  du  séjour  fût  un  déchirement  et  les  larmes
               coulèrent abondamment.


                   Quelques  semaines  plus  tard,  Madame  Senelonge  vint  chercher  sa  robe,
               accompagnée de ses enfants. Gisèle soufflait le froid et le chaud, inquiète de découvrir

               si son ouvrage allait convenir et heureuse de revoir les jumelles. Elle fut félicitée pour

               son  travail  et  reçut  la  somme  promise.  Tandis  que  les  adultes  conversaient,  les
               adolescentes sortirent s’acheter des bonbons. Après le départ des trois invitées pour

               Paris,  Gisèle  sentit  que  ses  parents  étaient  tendus.  Elle  surprit  leur  conversation

               lorsque la maisonnée fût couchée.

                   -  C’est  une  proposition  plus  qu’honnête,  disait  sa  mère.  Elle  sera  à  l’abri  du

                      besoin dans cette famille bourgeoise. On ne pouvait pas espérer mieux pour
                      elle.

                   -  Oui mais toi, qui va t’aider à tenir la maison si elle s’en va ?
                   -  D’ici à ses quinze ans, Marie et Jeanne auront bien grandi et pourront m’aider

                      à leur tour. Et avec l’argent que la famille nous enverra, on s’en sortira mieux.


                   Les arguments eurent raison de son père qui conclut la conversation en donnant
               son accord pour que Gisèle devienne domestique chez les Senelonge. Gisèle sentit

               son cœur battre à tout rompre et une joie immense l’envahir. Elle allait vivre à Paris,
               chez les jumelles. Rien ne pourrait lui faire plus plaisir.


                  Après ses quinze ans, lorsqu’elle arriva chez les Senelonge, Gisèle s’installa dans

               une chambre sous les combles. C’était la première fois qu’elle disposait d’une chambre
               pour elle toute seule. Léonie, la gouvernante, une femme âgée mais pleine de vivacité,


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