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L’alternative
Elle attendait sur le quai. Elle repensait aux derniers jours passés avec celles
qu’elle avait considérées comme ses amies. Un malaise persistait en elle.
Ses pensées furent interrompues par l’arrivée du train.
La porte s’ouvrit, elle mit un pied sur la première marche, leva la tête et s’arrêta
brusquement. Une affiche illustrée de style Art déco, vantant les plaisirs de vacances
en bord de mer, l’avait tétanisée. Sur toute sa largeur s’étalait une plage de sable blanc
parsemée de rectangles colorés symbolisant des serviettes de bain. Dans l’eau jusqu’à
mi-cuisse, quelques silhouettes se détachaient d’une mer d’un bleu turquoise soutenu
tandis que dans un ciel d’azur volaient quelques oiseaux aux ailes démesurées. Sur
l’horizon de détachaient des spinnakers gonflés à l’extrême. Du fond de sa mémoire,
Gisèle sentit monter en elle, lentement, l’odeur saline, le murmure des vagues et les
cris stridents des oiseaux.
Les trois amies s’étaient connues l’année de leurs douze ans. La coïncidence
d’un séjour thermal et la passion des trois jeunes filles pour la collecte des coquillages
les avaient fait se rencontrer sur cette plage de Berck pourtant longue de plusieurs
kilomètres. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, elles étaient devenues
inséparables et la fin de la cure sonna le glas d’un séjour qu’elles auraient souhaité
éternel. Gisèle rentra à Liévin tandis que Florence et Sabine rejoignaient Paris.
Pour la jeune fille, ce séjour avait été un révélateur. Des filles de son âge
pouvaient l’apprécier pour ce qu’elle était, sans se préoccuper de son allure masculine,
ses traits épais et son rire peu discret. Elle avait également constaté que deux sœurs
pouvaient être jumelles, sans pour autant se ressembler, ce qui était le cas pour
Florence et Sabine. Ni leurs cheveux, ni leurs yeux n’étaient de la même couleur mais
elles partageaient des traits communs et des attitudes similaires dans la façon de
s’exprimer et de se comporter.
Les mois passèrent lentement pour Gisèle. Aînée de la fratrie, elle secondait sa
mère pour l’essentiel des tâches quotidiennes qui débutaient immanquablement par
un réveil aux aurores pour préparer le petit-déjeuner de son père. S’en suivait leur
rituel de tous les matins. Tandis qu’elle mangeait du bout des lèvres, il trempait son
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