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-  Je ne peux pas accepter, Madame, je l’ai fait pour vous rendre service.

                   Face à son insistance, Gisèle fut bien obligée d’empocher l’argent et d’accepter

               son invitation à partager avec la famille le dessert du repas de midi.


                   Fière de toute cette reconnaissance, Gisèle rentra chez elle, la main crispée au
               fond de sa poche sur les pièces qui représentaient sa première rétribution pour un

               travail de couture. Sa mère écouta patiemment le récit enflammé que lui fit sa fille,
               s’extasia en voyant l’argent que lui remettait Gisèle et la félicita à son tour. Après un

               repas frugal et une vaisselle vite expédiée, elle retourna chez les jumelles. Le repas

               dominical touchait à sa fin et les odeurs qui emplissaient la pièce la firent saliver. Une
               assiette fût rajoutée et Gisèle s’assit à la même place que la veille. On lui servit une

               énorme part de gâteau, accompagnée d’une salade de fruits frais et d’un grand verre
               de lait. Elle fût la seule à terminer son assiette, sous le regard bienveillant de Madame

               Senelonge qui la félicita pour son bel appétit. Puis les trois adolescentes partirent à la
               plage et s’amusèrent tout l’après-midi. Lorsque Gisèle rentra en fin de journée, elle

               était aux anges. C’était le plus beau jour de sa vie.


                   Le lendemain, le temps maussade priva les filles des plaisirs de la plage. Madame
               Senelonge leur proposa d’aller faire quelques emplettes. Après l’achat d’un chapeau

               et de chaussures, elle se s’intéressa à des tissus afin de se faire confectionner une
               nouvelle  robe.  Elle  hésitait  entre  plusieurs  d’entre  eux,  lorsqu’elle  croisa  le  regard

               désapprobateur de Gisèle.


                   -  Ces tissus ne te plaisent pas ?
                   -  Ce n’est pas ça Madame, mais ce sont des fins de rouleau. Ils sont anciens et

                      leur couleur un peu passée. Il risque ne de pas y en avoir assez pour votre
                      ouvrage. Tandis que celui-là est presque neuf, son éclat sans pareil et la couleur

                      se  marie  bien  avec  celle  de  vos  yeux.  En  ajoutant  cette  dentelle  et  ces

                      ornements, vous pourriez vous faire faire une robe de toute beauté.

                   Madame Senelonge l’observa longuement avant de se tourner vers la vendeuse

               qui restait bouche bée et aurait probablement souhaité disparaître. Elle s’adressa à
               elle d’un ton cassant :










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