Page 311 - tmp
P. 311
- Je ne peux pas accepter, Madame, je l’ai fait pour vous rendre service.
Face à son insistance, Gisèle fut bien obligée d’empocher l’argent et d’accepter
son invitation à partager avec la famille le dessert du repas de midi.
Fière de toute cette reconnaissance, Gisèle rentra chez elle, la main crispée au
fond de sa poche sur les pièces qui représentaient sa première rétribution pour un
travail de couture. Sa mère écouta patiemment le récit enflammé que lui fit sa fille,
s’extasia en voyant l’argent que lui remettait Gisèle et la félicita à son tour. Après un
repas frugal et une vaisselle vite expédiée, elle retourna chez les jumelles. Le repas
dominical touchait à sa fin et les odeurs qui emplissaient la pièce la firent saliver. Une
assiette fût rajoutée et Gisèle s’assit à la même place que la veille. On lui servit une
énorme part de gâteau, accompagnée d’une salade de fruits frais et d’un grand verre
de lait. Elle fût la seule à terminer son assiette, sous le regard bienveillant de Madame
Senelonge qui la félicita pour son bel appétit. Puis les trois adolescentes partirent à la
plage et s’amusèrent tout l’après-midi. Lorsque Gisèle rentra en fin de journée, elle
était aux anges. C’était le plus beau jour de sa vie.
Le lendemain, le temps maussade priva les filles des plaisirs de la plage. Madame
Senelonge leur proposa d’aller faire quelques emplettes. Après l’achat d’un chapeau
et de chaussures, elle se s’intéressa à des tissus afin de se faire confectionner une
nouvelle robe. Elle hésitait entre plusieurs d’entre eux, lorsqu’elle croisa le regard
désapprobateur de Gisèle.
- Ces tissus ne te plaisent pas ?
- Ce n’est pas ça Madame, mais ce sont des fins de rouleau. Ils sont anciens et
leur couleur un peu passée. Il risque ne de pas y en avoir assez pour votre
ouvrage. Tandis que celui-là est presque neuf, son éclat sans pareil et la couleur
se marie bien avec celle de vos yeux. En ajoutant cette dentelle et ces
ornements, vous pourriez vous faire faire une robe de toute beauté.
Madame Senelonge l’observa longuement avant de se tourner vers la vendeuse
qui restait bouche bée et aurait probablement souhaité disparaître. Elle s’adressa à
elle d’un ton cassant :
4

